Europe cherche jeunes électeurs désespérément…
Les jeunes français seraient-ils europhobes ? C’est possible, si on se réfère aux résultats des élections européennes de 2014. Seuls 27 % des 18-35 ans ont voté. Parmi eux, 30 % ont choisi le Front national (devenu Rassemblement national, RN), opposé au projet politique européen qui a pourtant remporté ces élections. Et le parti d’extrême droite compte bien remettre ça ce mois-ci en misant sur un travail de fond auprès des jeunes. « Les autres partis ne s’intéressent à eux qu’au moment des élections, alors que nous, nous maintenons une mobilisation tout au long de l’année », professe Enzo Alias, coordinateur Paca de Génération Nation – 1 500 adhérents revendiqués dans la région – mouvement de jeunesse du RN.
Candidats rajeunis
Du côté de l’Union Populaire Républicaine (UPR) qui prône le « Frexit », les jeunes militants répondent aussi présents pour les européennes. Malgré leur rejet de l’Europe, « il faut faire entendre nos idées. S’abstenir, c’est laisser les autres choisir à ma place », explique Nathanaël, 21 ans, adhérent à l’UPR. « Même si ces élections ne servent à rien, en votant nous disons que nous sommes pour la sortie de la France de l’UE, de l’Euro et de l’OTAN », ajoute Élodie, 35 ans, sympathisante du parti.
C’est pourtant très probablement l’abstention qui l’emportera à nouveau chez les jeunes le 26 mai prochain. Il faut dire qu’avec une moyenne d’âge de 66 ans, les 13 députés européens sortants de la circonscription du Sud-Est (qui regroupait Paca, Rhône-Alpes et la Corse) les représentent peu. Bonne nouvelle néanmoins : les têtes de liste (désormais nationales) rajeunissent cette année avec une moyenne d’âge de 47 ans contre 55 en 2014. « Je ne suis pas certaine qu’il s’agisse d’une volonté, mais plutôt d’une nécessité de trouver de nouveaux candidats car les plus expérimentés désertent », nuance toutefois Stéphanie Fauvarque du Centre d’information Europe Direct (CIED) Provence.
Désillusion et désunion
D’après elle, les jeunes boudent les européennes car « ils pensent que le Parlement européen a peu de pouvoir ». « On voit que les jeunes sont très déçus par l’action des partis de gouvernement, note Fabio Chikoune, responsable des Jeunes Génération-s en Paca, soutien de Benoît Hamon. De plus, à notre niveau, nous faisons les frais de la désunion de la gauche ». Mais « il existe aussi une abstention de principe chez certains jeunes engagés », poursuit Stéphanie Fauvarque. C’est le cas des Jeunes communistes, proches du Parti communiste français (PCF) qui présente pourtant un candidat, Ian Brossat. Ils appellent leurs militants à s’abstenir. « Nous sommes pour une rupture avec l’UE qui n’est qu’un outil du capitalisme », justifie Nicolas Testart, secrétaire fédéral des Jeunes communistes du 13. Quitte à faire le jeu de l’extrême-droite ? Il balaye l’argument : « Ça, c‘est un épouvantail agité par la bourgeoisie. Ce n’est pas par un pseudo « barrage républicain » qu’on combat l’extrême droite, mais en se mobilisant contre le capitalisme qui crée un terrain fertile à la progression de leurs idées. »
L’abstention des jeunes aux européennes s’explique aussi par la procédure d’inscription sur les listes électorales. Ils sont, en effet, « les plus mobiles, donc les plus fréquemment mal inscrits : 31,1 % des 25-34 ans sont inscrits à une autre adresse que celle où ils résident effectivement, écrivent Céline Braconnier et Jean-Yves Dormagen, professeurs de sciences politiques. Cette situation explique ainsi une part de leur abstention à l’occasion de scrutins (…) insuffisamment mobilisateurs pour les inciter à produire une procuration ».
Alors, pour mobiliser les jeunes électeurs, Eurocircle et le CIED Provence proposent un jeu sur le Parlement européen, une plaquette avec « 10 bonnes raison d’aller voter » et des clips sur les enjeux du scrutin. La France Insoumise (LFI) mise, elle, sur les étudiants avec l’opération « Ma fac insoumise ». Elle s’est tenue le 26 avril devant le site de Saint-Charles à Marseille. « Le but est de sensibiliser les jeunes à cette élection et les inciter à partager nos idées », résume Lamine Bennma, militant des Jeunes Insoumis de Marseille.
« Ce qui intéresse les jeunes actuellement, c’est l’écologie, avance Antoine Géhant, coordinateur Paca des Jeunes avec Macron – environ 2 500 adhérents revendiqués dans la région. Alors, nous valorisons l’action de La République en Marche (LREM) pour l’environnement. Nous avons tenu un meeting sur ce thème à Aix-en-Provence avec Brune Poirson (secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire, Ndlr) en mars. » EELV ne dément pas cet engouement de la jeunesse : « Nous constatons une réelle prise de conscience avec, par exemple, le succès des marches pour le climat », assure Christine Juste, porte-parole d’EELV en Paca et 30e sur la liste aux Européennes.
Même si elle concède un « désenchantement et un manque de confiance des jeunes dans la politique », Alexandra, 28 ans, sympathisante LREM, votera aux européennes. « C’est important face à la montée des nationalismes. L’Europe apporte beaucoup aux jeunes, notamment avec un programme comme Erasmus », estime-t-elle. Un point de vue partagé par Stéphanie Fauvarque du CIED Provence qui, pour répondre à la question d’ouverture, considère que « beaucoup de jeunes sont, par nature, europhiles. Malheureusement, la plupart ne votent pas… »