Et pourquoi être fiers d’être marseillais ?
Fiers d’être Marseillais ! Ah bon ! Et pourquoi ?
Dix-sept ans de vaches maigres.
Et, enfin, en cet an de grâce 2010, la délivrance.
L’OM qui gagne la Coupe de la Ligue.
Plus, dans la foulée, le championnat de France.
Jouez hautbois, résonnez musette.
Feux d’artifice, confirmation, urbi et orbi, qu’on encule tout à la fois les Lyonnais et les Parisiens.
Prise de risque maximale avec plongeon dans les eaux sales du Vieux-Port.
Plus quelques gifles échangées et quelques poubelles brûlées sous les volées de grenades lacrymogènes.
Histoire de rester dans cette tradition qui dure depuis que Protis a rencontré Gyptis dans la cour d’honneur du Vélodrome après un match entre l’AEK Athènes et l’Olympique Massaliote.
Evidemment une fête ne se conçoit pas sans quelques banderoles.
Il en est une qui me donne des boutons, celle qui dit : « Fiers d’être Marseillais ».
Je n’aime pas ce slogan.
« Maillot jaune du nombre de chômeurs »
Je veux bien admettre que le Stade Vélodrome, dont on me dit qu’il réunit toutes les classes sociales, reste le seul endroit où Marseille gagne encore.
Encore que je doute que les abonnés de la tribune Jean-Bouin partagent les mêmes valeurs que les abonnés des virages Sud et Nord ?
Donc, je le dis et je le répète, je n’aime pas le slogan « fiers d’être Marseillais »,
Pour mille et une bonnes raisons.
D’abord et surtout parce qu’il réduit Marseille à une simple équipe de football.
L’explication, je vous l’accorde, est un peu courte.
Alors, comme j’aime que les choses soient claires, je vais m’expliquer avec les supporters.
Même avec celui qui, sur l’antenne de France Bleu Provence m’a expliqué, sans rire évidemment, qu’il était Sénégalais, qu’il vivait à Châteauroux et qu’il était, ça coule de source, fier d’être Marseillais.
On peut, légitimement, après le double succès des footballeurs olympiens être fiers d’être supporter de l’OM.
A ce titre, comme beaucoup d’autres et sans tomber dans l’excès, j’en suis assez fier.
Mais pour autant, au lendemain de victoire de l’OM, dois-je être fier d’être Marseillais ?
Je réponds non.
Je serai fier d’être Marseillais le jour où Marseille sera enfin une ville propre.
Lorsque la nuit, je pourrai me balader dans les rues de la ville en toute sécurité.
Lorsque la ville n’aura plus le maillot jaune du nombre de chômeurs.
Enfin, lorsque Marseille redeviendra une cité économiquement viable. Comme autrefois lorsque la ville vivait de sa réparation navale, de son port de commerce, de ses huileries et de ses briqueteries.
Je serai fier d’être Marseillais si, fin 2013, le bilan de l’année de la culture européenne est jugé, ici et surtout ailleurs, globalement positif.
« Où voyez-vous Marseille dans l’OM ? »
Pour le reste je pose une question.
Peut-on vraiment dire « OM-Marseille » même combat ?
Je ne le crois pas.
Où donc voyez-vous Marseille dans un club dont aujourd’hui la patronne est russe, née à St-Petersbourg et résidente suisse, dont les dirigeants, dans leur grande majorité, sont parisiens, dont l’entraîneur est basque et dont les joueurs sont venus d’ailleurs ?
Pensez-vous vraiment que les tifosi de l’Inter de Milan, une équipe sans un Italien et dont l’entraîneur est portugais, se disent fiers d’être Italiens ?
Pour fêter un triplé, championnat, coupe d’Italie, Ligue des Champions, ils se vantent d’être d’abord et surtout Interistes.
Ils auraient trop peur en disant fiers d’être Milanais qu’on les confonde avec les supporters du Milan AC. Et à l’inverse, pensez-vous que les supporters du Milan se disent fiers d’être Milanais après les triomphes de l’Inter ?
Alors, mesdames et messieurs, je vous le dis comme je le pense.
Fier d’être supporter de l’OM, d’accord.
Fier d’être Marseillais, par le biais de l’OM, non.
C’est un non-sens.
Et j’ai une sainte horreur des non-sens.
André de Rocca
(Texte publié dans le Ravi en juin 2010)