Enfermés dehors, des migrants en Europe
« L’Europe doit repenser sa coopération avec l’Afrique pour limiter la migration subie et doit renforcer ses frontières. » Comme lors du grand débat national, Emmanuel Macron a décidé lors de son grand oral, le 25 avril, de faire des questions migratoires un axe de ses premières réponses au mouvement des gilets jaunes.
Les intéressés n’en ont pourtant jamais fait un sujet de revendication. Mieux, selon une étude d’opinion dans quatorze pays européens publiée le 1er avril dans Le Monde, l’immigration n’est une menace que pour 14 % des personnes interrogées, au même niveau que les risques de guerre commerciale, et figure rarement dans les principaux sujets d’importance. En Hongrie, du très conservateur Viktor Orban, et en Roumanie, c’est même l’émigration des populations qui inquiète !
Avec la fin de la crise migratoire, le nombre de franchissements irréguliers des frontières des pays de l’Union européenne a chuté de plus d’un million en 2015 à 150 000 en 2018. L’année dernière, 580 000 demandes d’asile y ont été déposées, contre quasi trois fois plus quatre ans plus tôt. Il y en a eu moins de 115 000 en France et autour de 5 000 en Provence-Alpes-Côte d’Azur selon le rapport d’activité 2017 de l’Office français d’immigration et d’intégration. On est loin de l’invasion dénoncée par l’extrême droite, la droite et le gouvernement. « A Martigues, il y a plus de militants que de réfugiés ! », rigole Frédéric Grimaud, conseiller municipal et militant du Réseau éducation sans frontière.
Politique de l’endiguement
« C’est la victoire d’Orban », analyse le visage fermé Yves Pascouau, un spécialiste des questions migratoires européennes, à l’occasion d’une discussion organisée fin avril à Marseille par le think thank Res Publica et la revue Sans Transition. Les propositions d’Emmanuel Macron, comme les propos de Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur, sur les « ONG complices des passeurs » ou de Nathalie Loiseau, tête de liste LREM pour les européennes, sur des réfugiés faisant le « shopping de l’asile », sont encore là pour le confirmer… « Depuis 2015, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE sont convaincus qu’il faut un contrôle des migrations, poursuit le juriste. Leur seule réponse commune, c’est « endiguement », renforcer les frontières et renvoyer les personnes dans leur pay. » Au point d’externaliser la politique d’asile et d’immigration de l’UE dans des pays aussi riants que la Turquie et la Lybie. Ou de laisser l’Italie fermer ses ports aux bateaux qui secourent les réfugiés, en totale infraction avec les accords internationaux qu’elle a signés.
Au même titre que le règlement de Dublin, qui renvoie la gestion de la demande d’asile au pays d’entrée des migrants, ces politiques ont interpellé le groupe jeunes de la maison de la jeunesse et de la culture de Martigues. le Ravi l’a accompagné depuis janvier pour proposer, dans ce supplément de huit pages, un regard singulier sur ce sujet brûlant. Cette douzaine d’ados a voulu questionner ces politiques, comprendre pourquoi on accueille si mal ceux qui viennent demander protection chez nous, parfois au risque de leur vie. Mais aussi les connaître un peu mieux, comprendre les raisons de leur fuite. Ils ont également souhaité voir comment leur ville (PCF), accueille et ce que ressentent les réfugiés qui y vivent.
A coup sûr, Clara, Emma, Manon, Margot, Marjolaine, Nina, Pauline, Salomé, Arthur, Axel, Luca, Silas et K.J. se retrouveraient du côté du peuple d’Argos pour accorder l’asile aux Danaïdes, qui fuient la Syrie et un mariage forcé, dans Les Suppliantes. Une pièce du Grec Eschyle du Vème siècle avant JC. Un texte que les responsables politiques européens devraient lire ou relire…
Jean-François Poupelin
Article paru dans le supplément « Enfermés dehors » au Ravi 174, daté mai 2019, réalisé avec la commission Jeunes de la MJC de Martigues dans le cadre d’un projet de journalisme participatif.