En attendant de lire « le Ravier »…
« La presse est morte, vive la presse ! » : l’énoncé claque. Un peu trop, peut-être. Peu après la tuerie à Charlie Hebdo, cette conférence, qui s’est tenue, fin janvier, au local marseillais du FN, a vu son titre remanié. « La presse va mourir, vive la presse », dans le bulletin du FN 13, puis, sur le site de Stéphane Ravier, le sénateur-maire frontiste des Bouches-du-Rhône, un timide « la presse va mal, vive la presse ! ».
Pourtant, devant le quarteron de militants présents ce soir-là, c’est bien la mort de la presse que prédit – et dont se réjouit – Luc Deloncle (1), ancien du Méridional et de Rivarol (2). Certes, tous les médias ne sont pas à l’agonie : « Ceux qui vivent de l’argent public vont très bien, ironise-t-il. Comme France Ô où l’on compte, à Wallis et Futuna, pas moins de 70 journalistes. Pour 15 000 habitants. Comme si dans le secteur de Stéphane Ravier, il y avait 700 journalistes ! » Mais, pour celui qui voit les peintures rupestres comme les « premiers reportages » et César comme le père de « la désinformation », « quatre calamités », « allez, cinq, c’est les soldes » seraient à l’origine de la crise de la presse.
Les médias du « système »
Au-delà du comportement « moutonnier » des journalistes et de leur « recrutement » – des « clones », peste-t-il – Deloncle dénonce, sans surprise, le règne du « fric » : « Les ploutocrates se sont rués sur les derniers titres existants », siffle celui qui s’interroge au passage sur le fait que « des journaux français appartiennent à des actionnaires étrangers. Comme Libération, désormais entre les mains d’un homme d’affaires d’origine israélienne ». Il fustige aussi « l’effroyable vulgarité de la presse », citant « Droit de réponse » ou, plus récemment, le « fils Bedos qui a traité, sans que cela ne choque personne, Marine Le Pen, de salope fasciste » (3).
Mais, pour notre « confrère » – assurant à l’auditoire que « si Le Pen était président de la République, j’en sortirais, moi aussi, des affaires, comme Edwy Plenel » – le plus grave, c’est le règne du « politiquement correct ». La faute aux « lois liberticides ». A commencer par la « loi Gayssot », selon laquelle « le racisme n’est pas une opinion, mais un délit », créant là, dit-il, un « délit d’opinion » : « Les journalistes ne raisonnent plus en termes de vrai ou de faux mais de bien ou de mal. Aujourd’hui, soit vous êtes Charlie, soit vous êtes terroriste… »
Regrettant à mi-mot la frontière établie en 1945 entre la « presse respectable » et celle « qui ne l’est pas », il invite les militants FN à se détourner des « médias du système » au profit des « dissidents ». Ceux qui pratiquent la « ré-information ». A commencer par le site web du FN : « D’abord parce que, dès le matin, ça permet de se mettre de bonne humeur. De se sentir moins seul. Mais aussi de se munir d’arguments pour répondre à la contradiction, aux polémiques… »
L’ennemi est en face
Et de conseiller également le « journal de bord de Jean-Marie Le Pen » où « le président d’honneur du FN se lâche volontiers ». Qu’importe si ce blog, viré du site web du Front depuis la mi-2014, est désormais hébergé par Alain Soral, le bras droit de Dieudonné, puisque Deloncle encourage ses ouailles à consulter le site de ce dernier : « Pour moi, l’ennemi, ce n’est pas le voisin, c’est celui qui est en face. Et il ne faut plus raisonner en termes d’ami ou d’ennemi. Ce qui compte, c’est trouver de l’information fiable. »
Il encourage les frontistes à aller fouiller sur le site de Jean-Yves Le Gallou, « un ancien du FN passé par les Identitaires » mais aussi sur celui de Jacques Attali ou du complotiste Thierry Meyssan (Réseau Voltaire). Et même, « parce qu’on est entre nous », sur le site de… la « télé publique iranienne » ! En revanche, nulle mention de « FdeSouche », Deloncle faisant plutôt la promo de « TV Liberté » dont un « journaliste a réussi à infiltrer les ZADistes. Il lui a suffi de détacher sa queue de cheval. Et, sans doute, de ne pas se laver plusieurs jours… »
Ce soir-là, il sera au final assez peu question de Charlie. Sinon pour rappeler qu’une dessinatrice de Rivarol s’appelle « Chard. Avec, un « d », à ne pas confondre avec l’autre… » En revanche, Luc Deloncle évoquera plusieurs fois le Ravi, « un journal qui ne nous est pas favorable. Voire même plutôt hostile. Mais qui, par son ton et des informations que d’autres n’ont pas, en vaut bien d’autres ». Un journal « petit mais costaud », dira-t-il, tout en rappelant nos difficultés. Touchant de la part d’un « collègue » pour qui l’abolition de la loi Gayssot serait, si le FN arrivait au pouvoir, « un minimum »…
Sébastien Boistel
1. A ne pas confondre avec Eugène Deloncle, fondateur de la… Cagoule !
2. Journal de droite, parfois extrême, qui a fusionné avec Le Provençal (plutôt à gauche) pour donner naissance à La Provence. Rivarol est un hebdo d’extrême droite dont le patron est très critique à l’égard de Marine Le Pen.
3. En mai dernier, Nicolas Bedos a été relaxé pour avoir qualifié dans Marianne, Marine Le Pen de « salope fascisante ».