Doucement le matin…
«Si tu as envie de travailler, assieds-toi et attends que ça passe », dit le proverbe marseillais. Dans l’inconscient collectif, le travailleur de Provence-Alpes-Côte d’Azur doit arriver juste après le Corse ! Le farniente, l’apéro de onze heures et bien sûr le fameux « fini-parti » que les éboueurs marseillais ont su mettre à l’honneur, autant de clichés qui ont la vie dure mais que certains entretiennent aussi à dessein… une étude Malakoff et Médéric sur le « bien-être et la performance en entreprise » (sic) affirme que 15 % des salariés de la région déclarent « faire de la présence » sur leur lieu de travail contre 13 % au niveau national ! (juin 2012). La région Paca est la plus ensoleillée de France et c’est bien connu, la chaleur ça ensuque ! Mais elle est aussi l’une des plus touchée par le chômage, avec un taux de 11,3 % supérieur à la moyenne nationale en constante augmentation depuis quatre ans. Une région slow niveau boulot d’accord, mais parfois malgré elle….
« Les postiers se suicident aussi à Marseille… »
Christophe Massot
Ceux qui ont la chance d’avoir un emploi seraient plus heureux qu’ailleurs d’aller bosser. A en croire toujours Malakoff et Médéric, près de 77 % des salariés de la région PACA déclarent « être contents de venir travailler le matin », soit un chiffre supérieur à une moyenne française de 71 %. Mais pour Christophe Massot, chercheur sociologue spécialiste du stress et des risques psychosociaux au travail, le raccourci entre « douceur du climat » et « boulot sans pression » est loin d’être aussi évident : « Vous savez les postiers se suicident aussi bien à Marseille que dans le Nord ! Idem pour France Télécom dans le Var où des fonctionnaires qui vivaient sous le soleil se sont donnés la mort à cause du travail. » Malakoff et Médéric constatent que la qualité de vie au travail est mieux notée dans les PME. Et là youpi, en Paca on en a plein ! « Mais ce sont le plus souvent des sociétés de service avec des problématiques de santé mentale, ajoute Christophe Massot. Les pathologies qui émergent, comme les suicides et les dépressions, sont liées à une trop forte charge de travail et notamment à un management trop intense. »
La mode est au « slow management » autrement dit, en théorie, à la revalorisation de l’individu au sein de l’entreprise pour que chacun trouve la possibilité de s’exprimer et de coopérer. Depuis 2010, la norme Iso 26000 relative à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), inclut le bien-être de l’employé dans sa défense d’un développement durable. Chaque année, un concours RSE a lieu, soutenu par le Conseil régional. En 2011, la société Ricard a décroché la première place : prise en charge de l’employé dès son arrivée, rapport de proximité avec la direction, rémunérations avantageuses, plan senior qui permet aux plus âgés de bénéficier d’aménagements, etc. Résultat, un turn-over au plus bas et des employés qui restent en moyenne 15 ans dans l’entreprise (contre 12 ans au niveau national). En 2012, Villages Clubs du soleil, installé à Marseille, a remporté le premier prix RSE. L’ancien barman Alex Nicola, devenu président du directoire, a lancé lors de la remise des prix : « Chez nous, on a le social dans le sang. » Magnanimes, nous n’avons pas contacté les syndicats de ces entreprises « modèles ». Ils font des « slow grèves » chez Ricard ?
Pourtant fières de mettre en avant sur leurs sites internet leur gestion respectueuse des salariés, aucune des entreprises contactées n’a donné suite à notre demande d’interview. Ricard nous a simplement renvoyé vers sa charte en ligne intitulée « Respect ». Peut-être ont-ils aussi un « slow service presse » ! Gilbert Beringer, PDG de la société Beringer Aero basée à Tallard (05) et prix RSE 2012 catégorie TPE (Très petite entreprise) pourtant spécialiste du freinage haute performance, a été plus réactif. « C’est plus qu’un choix de management, c’est avant tout un choix de vie et de philosophie. On essaye de faire tout simplement ce qui nous fait plaisir dans de bonnes conditions. Et concrètement on favorise la communication, précise le chef d’entreprise. Pour ça, on organise des réunions hebdomadaires participatives où chacun s’exprime. Tout le monde est informé des projets en cours et des comptes de résultats. Et on n’imagine pas travailler autrement ! »
Samantha Rouchard