Des violences faites aux femmes… en politique
« Avant, c’était du mépris, ça s’est transformé en violence », explique la sénatrice PS Samia Ghali, ancien maire des 15-16 et élue d’opposition à la mairie de Marseille. Elle a récemment déposé plainte contre le sénateur RN – feu maire des 13-14 – Stéphane Ravier pour injures sexistes. Il l’avait traitée de « point G de Marseille ». En février dernier, il avait déjà qualifié, à demi-mot, Lydia Frentzel, élue EELV, de prostituée, en séance. Pour le leader d’extrême droite, il ne s’agissait là « que d’un trait d’humour ». Et visiblement ça a fait beaucoup rire le maire LR, Jean-Claude Gaudin. Lydia Frentzel a passé quinze longues minutes à demander des excuses avant que l’édile ne daigne réagir.
Depuis seize ans que le Ravi parcourt les conseils municipaux, il s’est fait le témoin de la violence qui s’y exerce, notamment envers les femmes. Pas forcément que les hommes soient plus agressifs, mais ils y sont surtout plus nombreux et à des strates de pouvoir plus importantes. Seulement 17 % des femmes (16,5 % en Paca) accèdent au siège de maire et 29 % à celui de 1ère adjointe. Plus la ville est grande, plus c’est un homme qui la dirige. Et malgré la parité, elles ne sont que 39,9 % à siéger en Conseil.
« Falco m’a violemment agrippée »
« Quand une femme débat, elle est forcément hystérique et folle, quand c’est un homme, il débat ,tout simplement », souligne la sénatrice PS. Pour elle, « la tenue » d’un conseil dépend de la capacité du maire à imposer un respect réciproque entre les élus. Jean-Claude Gaudin fait partie des mauvais élèves, même avec les membres de sa majorité. « Si j’ai été prise pour cible, je n’ai en réalité joué que le rôle de fusible […] Quoi qu’il en soit, je n’ai pas voulu renoncer face à des adversités souvent injustes » : le 17 juin dernier, Arlette Fructus (MR), adjointe en charge du logement, présente la tant attendue charte du relogement, suite aux effondrements du 5 novembre. Blessée mais digne, elle en profite alors pour régler ses comptes avec sa majorité et notamment Jean-Claude Gaudin…
« Quand ça fait cinquante ans que vous faites de la politique et que tout tourne autour de votre ego, c’est normal qu’il y ait cette dérive », explique la députée LREM du Var, Cécile Muschotti, 32 ans, élue d’opposition à La Garde (83) et candidate aux municipales à Toulon. Affublée de « petite députée », « comme pour vous réduire dans vos capacités », note-t-elle, ou encore à la merci d’un bailleur social en conseil municipal qui lui dit : « heureusement que vous avez été gâtée par la nature et que vous avez de jolis yeux, sinon j’aurais démonté votre argumentaire ». A plusieurs reprises Hubert Falco, maire LR de Toulon l’aurait, raconte-t-elle, « violemment agrippée par le bras » lors de réunions publiques. « Mais depuis que je suis enceinte, il emploie une stratégie de contournement physique et se contient », remarque-t-elle. Pour l’élue, il est important « de se faire le cuir en politique » et surtout d’avoir une vie en dehors.
« Ce sont des insultes qui vous vident de l’intérieur. On essaye de détruire les gens dans ce qu’ils sont », confie Anne-Marie Hautant (Parti Occitan), élue d’opposition depuis 2001 à Orange (84), où le maire d’extrême droite Jacques Bompard (Ligue du sud) règne en maître depuis 24 ans. Malade avant chaque conseil, ça l’a amenée « sur le divan du psy ». « Est-ce que c’était plus violent parce que j’étais une femme qui résistait ? Il existe un certain machisme culturel. Les hommes sont mieux entre eux, une femme peut déranger cette entente. Peut-être parce qu’on est moins arrangeantes. »
Certaines femmes politiques préfèrent copier leurs homologues masculins dans tout ce qu’ils ont de moins glorieux. Maryse Joissains, maire LR d’Aix-en-Provence à la gouaille légendaire, refuse même la féminisation des titres et souhaite qu’on l’appelle « Madame le maire ». D’autres préfèrent jeter l’éponge, comme Patricia Zirilli, maire FN du Luc (83), que son parti a poussé à bout. Elle démissionnera en réglant ses comptes par voie de presse. Et puis, il y a celles qui restent et qui y retournent. « Je résiste, précise Samia Ghali. Dans les quartiers, se faire respecter c’est le parcours du combattant. Je ne vais donc pas accepter aujourd’hui, en tant qu’élue de la République, de faire machine arrière. » Et Anne-Marie Hautant de conclure : « On tient parce qu’on ne veut pas se laisser marcher dessus. Mon but c’était de rester debout. Au fond de moi je pensais : “Tu veux me détruire ? Tu n’y arriveras pas”. »