Des chiffres en toutes lettres
Le redressement, c’est tout le temps ! Pas de répit pour la Tchatche, l’association éditrice de votre mensuel régional satirique préféré. Déjà, il nous faut préparer la suite du redressement judiciaire. Cette procédure nous a permis il y a un an de geler nos dettes et nous a offert un délais nécessaire pour réussir à nous relancer. Aujourd’hui, il est déjà temps de préparer notre sortie de la période d’observation et de planifier le remboursement de nos dettes. D’ores et déjà, nous savons pouvoir passer cette étape avec succès après une année 2015 positive.
En juillet dernier, l’assemblée générale annuelle nous a permis de présenter à nos adhérents les comptes consolidés pour 2014 et bien entendu de faire le point sur un début d’année 2015 agité. Ce rituel (essentiel) de la démocratie associative, nous le renouvelons ici ce mois-ci, car nous pensons qu’un journal a un devoir de transparence vis-à-vis de ses lecteurs, seuls juges des productions et garants, par leurs achats, leurs abonnements et leurs dons, de la survie du journal.
C’est encore votre mobilisation qui cette année a permis la relance. Avec notre « Couscous Bang Bang Royal », nous sommes passés de moins de 800 abonnés au début de notre redressement à plus de 1500 à l’été. Un boom de lecteurs permanents qui nous a valu les félicitations de notre administrateur judiciaire qui n’a pas hésité à qualifier d’« exemplaire » ce coup de booster.
Un bémol à ce satisfecit : les abonnements ont commencé à arriver à l’annonce de nos difficultés financières, et le mouvement s’est amplifié après les tragiques attentats de début d’année à la rédaction de Charlie Hebdo. C’est dans la tempête que les rangs des lecteurs se resserrent autour de leurs journaux favoris et notamment de la presse pas pareille, ces journaux différents et irrévérencieux qui incarnent chacun à leur façon un espace de liberté. Tout l’enjeu pour nous sera de convaincre ces nouveaux venus de renouveler leur abonnement et de continuer à soutenir le Ravi. Il va nous falloir aussi continuer à élargir le cercle des nouveaux abonnés. L’objectif des 5000 abonnés fin 2015 ne sera pas tenu mais l’association a trouvé des ressources complémentaires qui peuvent lui permettre d’atteindre cet horizon dès que possible ! Un journal ne s’achète pas, on finance son indépendance !
Soutenir le Ravi, ce n’est d’ailleurs pas qu’aider un journal mais une association aux buts plus larges qui, des collèges aux centres sociaux, des associations locales aux facs, propose des ateliers d’initiation à la presse et à la satire, des actions d’éducation populaire et des dispositifs de journalisme participatif. C’est aussi faire le pari de la viabilité, dans notre société individualisée et morcelée, de médias citoyens que le Ravi, avec d’autres, contribue à fédérer, en région Paca et dans toute la France.
D’où le Ravi tire-t-il son argent ? Quel est le grand capitaliste qui le finance en sous-main ? On comprend que cette question vous tarabuste. Mais c’est plus avec des bouts de ficelle qu’avec des comptes au Luxembourg que la Tchatche boucle les fins de mois. Revue de détails en quelques textes et graphiques.
Le bureau de la Tchatche
Les bonnes vieilles recettes du Ravi
C’est bien connu, on n’achète pas un journal libre, on finance son indépendance : tour d’horizon de nos ressources…
le Ravi est assis sur un trépied financier. Grossièrement résumé, on pourrait lister les rentrées d’argent en trois grandes familles : les abonnements et les ventes, les prestations et projets d’éducation populaire (notamment à travers le projet « Et si ? »), ainsi que la publicité dans le journal. À celles-ci viennent selon les années s’ajouter des subventions de fonctionnement d’organismes publics.
La comparaison entre les années 2014 et 2015 souligne bien le redressement opéré par l’association. Parmi les constantes, il faut noter la fidélité d’un de nos partenaires, la fondation Abbé Pierre qui, du financement du projet « Et si ? » à des commandes de prestations régulières est très présente à nos côtés et a montré son soutien dans les moments difficiles.
Du côté des principaux partenaires publics, le Conseil régional Paca, après une baisse de sa participation en 2014, a passé commande de 5 encarts publicitaires en ce début d’année et a rejoint en 2015 les co-financeurs du projet « Et si ? ». En 2015 toujours, le Conseil général de Vaucluse a annoncé dans les colonnes du Ravi et financé une exposition sur le dessin de presse.
Et il y a le Conseil général des Bouches-du-Rhône, devenu Conseil départemental aux élections de mars. Nous vous avons déjà parlé des relations tumultueuses avec l’institution du temps de Jean-Noël Guérini. L’omni-président goûtait peu l’irrévérence d’un journal que, faute de pouvoir dompter, il proposera bravache de racheter dans un ultime effet de manche (voir le Ravi n°126, février 2015). Il avait personnellement veillé à ne plus donner un euro au mensuel qui ne baisse pas les bras. Le multi mis en examen s’estimait trop rudoyé dans nos colonnes. Depuis la défaite de ses troupes au printemps, Jean-Noël Guérini est redevenu simple conseiller départemental, remplacé par la cheffe de file de la droite, Martine Vassal. Le dossier Ravi est alors ressorti et, au cœur de l’été, le département a décidé d’attribuer un peu moins de 20 000 euros à la Tchatche, dont 15 000 en subvention de fonctionnement sur la ligne « financement des médias associatifs ». Symboliquement, l’enveloppe du CG 13, qui finance également des interventions dans les collèges, revient ainsi à son niveau de 2013.
Enfin, retroussant ses manches sur ses bras levés (ce qui n’est pas facile, reconnaissez-le), le Ravi a su trouver de nouvelles sources de financement. Poursuivant son travail de mise en réseau des médias pas pareils, la Tchatche a ainsi entrepris de parcourir la Méditerranée pour rapprocher les journaux différents (voir la page « Y a pas que Paca ») avec le soutien de la Région. Nous faisons aussi partie des lauréats de l’appel à projets du ministère de la Communication « médias citoyens » et nous recevons le soutien du ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Enfin, depuis cette année encore, le Mucem s’offre tous les mois une annonce dans le Ravi, venant ainsi nous aider à mieux boucler les fins de mois. Et la Friche de la Belle de Mai a acheté un encart dans le journal (détail des pubs, des subventions et répartition des ventes sur le www.leravi.org). Tout cela devrait même permettre de dégager un excédent qui, selon nos prévisions actuelles, pourrait s’élever à plus de 50 000 euros.
Rigolez-pas, c’est avec votre argent !
Des dépenses concentrées sur les salaires et la pérennisation des emplois
Depuis son origine, la Tchatche cherche à pérenniser les emplois, dans un secteur où la précarité est trop souvent la règle. Les 5 salariés (4 garçons, une fille, peut mieux faire) qu’elle emploie aujourd’hui (dont 3 à temps partiel) ont entre 4 et 10 ans d’ancienneté. Tous sont journalistes. Dans le cadre du redressement judiciaire, la seule non journaliste de l’équipe a quitté l’association par le biais d’une rupture conventionnelle. Mais dans les mois qui viennent, nous espérons pouvoir recruter (à temps partiel encore) un-e secrétaire administratif et comptable ainsi qu’un-e administrateur. Cela répond aux besoins de structuration de l’association identifiés cette année dans le cadre d’un dispositif local d’accompagnement, une sorte d’audit financé par l’Etat et la Région via l’opérateur Esia, dont nous avons bénéficié.
Bien sûr, ce choix de privilégier les hommes et les femmes – près de 60 % de notre budget annuel – n’est pas sans conséquences et sans risques. Notre plongée dans le redressement judiciaire est en partie due à la pérennisation de nos trois temps partiels après leur contrat aidé. Assumer leurs salaires – si maigrelets soient-ils – s’est révélé impossible en 2014. Après une année 2015 excédentaire, 2016 marquera donc une nouvelle augmentation de la masse salariale mais, nous l’espérons, permettra à notre structure de mieux avancer et de se renouveler. Rappelons le caractère très modéré de la politique salariale à la Tchatche : le plus haut salaire plafonne à 1500 euros net par mois !
Le projet « Et Si ? »
Depuis plusieurs années, la Tchatche réalisait régulièrement des ateliers de sensibilisation à la presse et d’éducation aux médias dans les collèges et les lycées en s’aventurant parfois dans des projets associant des publics éloignés de la presse comme des personnes sans domicile.
Depuis 2014, à cette activité s’est ajouté un projet annuel mêlant créativité, innovation sociale et enquête journalistique. A partir d’une thématique, comme celle du cahier spécial publié ce mois-ci sur le thème « Et si la culture était vraiment accessible pour tous ? », des groupes d’habitants, le plus souvent dans des quartiers populaires, travaillent sur des idées et des propositions autour de la question posée avec l’aide des journalistes du Ravi.
En parallèle, un travail d’enquête journalistique est mené pour replacer la problématique dans son ensemble. En final, ce travail collaboratif est publié dans un tiré-à-part du journal le Ravi. Le projet « Et si ? » pèse dans le budget de l’association environ 40 000 euros en 2014 et 60 000 euros en 2015. A travers lui, la Tchatche fait œuvre d’éducation populaire et le Ravi tente de faire émerger une nouvelle expertise citoyenne en défendant un journalisme participatif.
5102 abonnés
Quand nous avons fixé cet objectif lors de notre fameux « Couscous Bang Bang Royal » [toujours à l’ordre du jour en première page du www.leravi.org pour s’abonner et nous aider à « redresser les bras »], il s’agissait de montrer à nos lecteurs l’ordre de grandeur qui permettrait au Ravi de vivre de ses seuls abonnés. « 5102 », anagramme de 2015, est donc un seuil symbolique. Aujourd’hui, en développant ses activités d’éducation populaire, le Ravi et la Tchatche réussissent à équilibrer leur budget. Mais ce « 5102 » nous rappelle qu’il faut toujours se battre pour convaincre des lecteurs pas pareils de soutenir la presse pas pareille.