Legal team
C’est moche, c’est gris, c’est écrit tout petit et, en général, le commun des lecteurs n’y jette que rarement un coup d’oeil. Et pourtant, les annonces légales, non contentes de rendre compte de la vie des entreprises et associations (et accessoirement, de tous ceux qui les entourent, avocats, notaires…), représentent pour la presse une manne de plus de 200 millions d’euros ! Si, en 2018, il a été un temps question de les supprimer, le gouvernement, dans le cadre de la loi « PACTE », apporte la touche finale à leur réforme.
Un dossier surveillé de près tant par ceux qui en bénéficiaient que par ceux qui vont peut-être pouvoir en profiter. Notamment, parmi la galaxie de la presse et des médias « pas pareils », un certain nombre de sites web. D’où l’implication dans les discussions ministérielles du Spiil, le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne. (1)
« Jusqu’à présent, les annonces légales étaient régies par une loi de 1955, note Cécile Dubois, secrétaire générale du Spiil. Mais, depuis, les médias numériques sont apparus. Et il nous semblait totalement obsolète que seuls soient habilités à les publier un certain nombre de journaux. » Actuellement les médias éligibles le sont au regard de leur périodicité – quotidien ou hebdomadaire – et de leur échelle de diffusion sur le territoire. D’où l’existence de titres sans véritable contenu rédactionnel mais dont la fonction essentielle est de capter cette manne…
Effet d’aubaine
« Même si l’on n’a pas affaire à une aide à la presse en tant que telle, on a plaidé pour que les médias numériques, eux aussi, puissent les diffuser, poursuit Cécile Dubois. À condition qu’on ait affaire à de véritables médias d’information qui couvrent de façon substantielle l’actualité locale et qui bénéficient à l’échelle du département d’une certaine audience. » Comme celle-ci, sur le net, est à la fois plus importante mais aussi plus complexe à évaluer, il a été décidé que les sites web devront avoir une audience, que ce soit en nombre d’abonnés ou de visiteurs, cinq fois supérieure au seuil fixé pour les journaux papier.
La responsable du Spiil s’attend bien évidemment à un « effet d’aubaine. Même si, désormais, ce sont les préfets qui vont déterminer qui aura droit ou non de publier ces annonces et non plus une commission où l’on trouve des éditeurs de journaux les diffusant déjà et donc regardant avec méfiance les nouveaux entrants, certains groupes vont vraisemblablement créer des sites web locaux ex nihilo pour capter une partie de ce marché ». En tête, l’activisme d’un site comme Actu.fr, émanation de Publihebdos, une filiale du groupe Sipa-Ouest France, le premier quotidien régional de France.
Tristan Cuche, le patron de l’hebdo montpelliérain L’Agglorieuse, un des rares titres de la « presse pas pareille » à diffuser des annonces légales, pointe, lui, un autre acteur : « JAL, un site web qui joue les intermédiaires pour la diffusion des annonces légales. » Pas compliqué à trouver : il apparait en tête des recherches « annonces légales » sur le web ! Avec un discours totalement décomplexé : « Vous trouvez moins cher ailleurs ? Nous vous remboursons la différence ! » Leur recette ? « Il existe mille et une manières d’écrire la même chose, mais une seule façon de payer moins : réduire la longueur du texte publié au strict minimum » Leur secret ? « JAL utilise un système optimisé qui réduit considérablement l’intervention humaine. »
Petite précision de notre confrère : «JAL appartient aux Échos, le quotidien économique de Bernard Arnault », le patron de LVMH, accessoirement 1ère fortune de France et 2ème mondiale. Soupir du patron de L‘Agglorieuse : « Pour l’instant, tout le monde est dans le flou. La seule chose que je sais, c’est qu’il va falloir être prudent avec la préfecture. Mais les annonces légales représentent 60% de mon budget. Si je n’en diffusais pas, je serais dans votre situation. » Celle d’un mensuel édité par une association, le Ravi, aux ressources variées mais dont l’avenir dépend toujours, in fine, des abonnements de ses lecteurs…
1. Qui organise, le 18 octobre à Paris, pour ses dix ans la 1ère « journée de la presse indépendante ». le Ravi est membre du Spiil.