Dérapages en série au garage municipal
Le quatrième mandat de Jean-Claude Gaudin démarre sur les chapeaux de roues en matière judiciaire. Après le procès en avril de la fausse billetterie des musées de Marseille (le Ravi n°118), et la décision mi-mai du tribunal administratif de casser la promotion expresse d’un délégué Force ouvrière (Marsactu, 15/05), et en plus de l’enquête sur la vente d’un terrain a prix cassé à un entrepreneur local (le Ravi n°116), la justice s’intéresse au service du parc automobile de la ville (SPA).
En début d’année, une nouvelle juge d’instruction a été désignée pour relancer une enquête préliminaire sur des faits de harcèlement moral, close il y a tout juste un an. Elle vise le directeur du service depuis 2009, Olivier Proisy, un ancien officier subalterne entré à la ville deux ans plus tôt. Le 11 septembre 2012, suite à l’annonce d’une sanction, une cadre A déjà fragile fait une tentative de suicide. Le 4 octobre 2012, elle dépose plainte. Trois autres suivront le même mois, de deux autres cadres (ils ont depuis quitté le service) et d’un agent de catégorie C. Depuis, le dossier s’est enrichi : deux nouvelles plaintes pour harcèlement moral ont été déposées (1) et, le 25 avril, la tentative de suicide a été reconnue accident du travail.
Troubles médicaux en série
Les différentes victimes, dont la plupart travaillent ou travaillaient sur les marchés publics du SPA, racontent toutes la même histoire. De multiples brimades et vexations, des promotions et demandes de mutations bloquées, des primes et des congés refusés, une mise à l’écart du service, un retrait progressif de certaines tâches ou fonctions, pour certains une placardisation, pour d’autres des rejets d’aménagement d’horaires, de formation, de demandes d’explication, etc. Toutes en ont développé de graves troubles : de lourdes dépressions, mais également un diabète insulodépendant, des douleurs lombaires ou encore des vertiges.
Des souffrances confirmées par une psychologue-expert, près de la cours d’appel d’Aix-en-Provence, réquisitionnée par le parquet. Les conclusions de son rapport sur les quatre premiers plaignants, qui est tombé dans les bras du Ravi, sont sans appel : « état post-traumatique lié au travail », « syndrome dépressif anxieux lié au contexte du travail » ou encore « état anxieux et phobique lié au travail ». Pour un cas, elle préconise un « éloignement », pour deux « un traitement psychothérapique. » Pire que l’Afghanistan !
Contacté, Olivier Proisy, nie tout harcèlement. S’il reconnaît « qu’il y a des choses peut-être liées à l’activité », l’ancien militaire dénonce des « accusations faciles » de « gens qui ne veulent pas travailler » et jure être « intègre » et avoir l’appui de la ville (2). « Si [elle] ne me soutenait pas, je quitterais mes fonction », assure le directeur du service.
Constat trop amiable de la mairie
De son côté, le secrétaire général des services de la ville, Jean-Claude Gondard, n’a pas répondu aux sollicitations du Ravi. Entendu dans le cadre de l’enquête en juin 2013, ce proche de Jean-Claude Gaudin avait botté en touche : « Je ne protège pas monsieur Proisy, ni ne le couvrirais en cas de manquement. »
Pour l’instant, ce sont surtout ses agents que la ville ne protège pas. Plusieurs témoins rappellent qu’elle a tout fait pour que la tentative de suicide ne soit pas requalifiée en accident du travail. « On a tiré la sonnette d’alarme à tous les échelons – DRH, médecine du travail, cabinet du maire. La seule réponse que l’on a eue, c’est un rendez-vous avec la supérieure de monsieur Proisy », dénonce également Frédéric Bonanséa, secrétaire général du SDU 13 et plaignant. Pire, deux agents de catégorie C qui enchaînent les arrêts maladie sont toujours en poste, malgré leurs demandes de mutation. « Bientôt je ne vais plus recevoir qu’un demi-solde. Mais mon psychiatre refuse que je retourne travailler, parce qu’il estime que je suis en danger », témoigne l’une d’elle. Et aucun n’a obtenu la protection juridictionnelle que leur octroie la loi…
Une bienveillante neutralité qui n’a évidemment rien à voir avec le fait que le service du parc automobile gère les très nombreuses (900 sur 2 200 véhicules !) et très convoitées voitures particulières de la ville (3)…
1. Dont celle de Frédéric Bonanséa, délégué syndical SDU13-FSU. En 2013, le secrétaire général du deuxième syndicat de la ville avait dû s’en remettre au tribunal administratif pour obtenir ses jours de décharge syndicale. Mais l’histoire d’amour entre Olivier Proisy et le SDU n’est pas finie : le directeur du SPA a déposé plainte en diffamation contre le directeur de la publication du journal du syndicat, qui s’était amusé de son appétence pour la marque Citroën. Une affaire en audience ce 12 juin.
2. Mais pas de Force ouvrière, son syndicat. Contacté, la direction de FO n’a pas donné suite aux sollicitations du Ravi. Plusieurs témoignages jugent sa position prudente sur le dossier, tant vis-à-vis d’Olivier Proisy que des plaignants.
3. Lefigaro.fr, 11/12/2012.