De l’espoir en couleurs
« Nous recevons de plus en plus de demandes et le nombre d’associations d’alphabétisation ne cesse de baisser faute de financements publics », explique d’emblée Laure Paqueteau, unique salariée de Couleurs Espoirs au Pontet (84), une ville gérée par le Front National. Une association d’alphabétisation pour étrangers, donc, mais pas que : « on organise des sorties au théâtre, au cinéma etc… » pour faciliter leur intégration. 67 personnes viennent apprendre ou perfectionner leur français chaque semaine dans un local… prêté par la mairie. « C’est vrai que nous étions inquiets de l’attitude qu’allait adopter la mairie vis-à-vis de l’association mais ils ont maintenu nos subventions et nous envoient du public… »
Ce soir, Géraldine Chabas et Annie Panné, deux bénévoles parmi la vingtaine que compte l’association, assurent un cours de deux heures avec huit habitués, tous la quarantaine passée. Le groupe le plus au niveau précise Laure Paqueteau. Il y a là Kemal Bayar et sa femme Elif, Turcs d’origine kurde, arrivés en France en 2007. Stéphanie et Muriel (1) sont deux cousines qui travaillent à l’usine, originaires du Laos, tout comme Simone Sy. Fikri Afchir et son pote Okacha El Andouze sont eux marocains et travaillent sur les marchés. Et puis il y a Myriam, une Turque arrivée en France il y a deux ans.
Tous cherchent à améliorer leur français, aussi bien oral qu’écrit, afin de trouver du travail – souvent une fois que les enfants ont grandi – ou pour leurs démarches administratives. Une langue très difficile selon eux. Mais les présentations montrent que la compréhension est bonne. Les accents chantent et les langues se délient. C’est aussi le but des ces moments : discuter, échanger et débattre. « Nous nous sommes cette année particulièrement attardés sur les attentats, la laïcité… », fait remarquer Annie Panné. Une actualité qui les a rendus tristes, parce que c’est la « guerre » et qu’ on mélange tout ». La peur aussi pour Kemal et Elif qui habitaient il n’y a pas si longtemps à la frontière syrienne. Les traditions et la culture occidentales sont aussi partagées, comme Noël, la galette des rois, la chandeleur… Ce qui a l’air d’avoir beaucoup plu à Kemal, plutôt gourmand.
Après un exercice de description détaillée de situations quotidiennes, on passe à la dictée de mots. Ce sont les sons qui importent. Et même s’il faut en aider certains plus que d’autres, si le « pelote » de Fikri – toujours le sourire aux lèvres – est devenu un beau « pilote » d’avion, le niveau est encourageant. Et un peu de courage, pour ces huit- là, n’est sûrement pas du luxe.
Clément Chassot
1. Les prénoms ont été changé.