Cumul, quand tu nous tiens…
En Paca, un peu plus de 70 % des parlementaires sont des cumulards (47 sur 66, 13 sur 14 dans les Alpes-Maritimes !)… Certains gros bonnets régionaux cumulent jusqu’à trois mandats, maires, adjoints, présidents ou vice-présidents d’une collectivité territoriale… Mais tout ça, c’est bientôt fini. Ou presque. Le projet de loi a finalement été présenté en conseil des ministres le 3 avril dernier. Un député ou un sénateur ne pourrait plus cumuler son mandat avec un exécutif local. Fini les « députés-maires » et les « sénateurs-maires » ! Un parlementaire pourra cependant demeurer simple conseiller municipal par exemple.
Seulement, l’application de cette réforme est repoussée à… 2017. Le Conseil d’Etat a estimé, en effet, que le Conseil constitutionnel pourrait censurer l’application précipitée d’une loi sur le non-cumul car « on ne change pas les règles du jeu en cours de mandat ». Mais tous les constitutionnalistes ne sont pas d’accord sur ce point. Le gouvernement craint surtout une série d’élections partielles qui pourrait faire perdre la majorité absolue au PS à l’Assemblée. « C’est du foutage de gueule », s’insurge François-Michel Lambert, fermement opposé au cumul des mandats. L’unique député écolo EELV en Paca (13) voit dans tous les arguments pour un report à 2017 des excuses fallacieuses…
VIème République
Jean-Marc Coppola, président du groupe Front de gauche à la région, est aussi un ardent défenseur du non-cumul mais voudrait aller plus loin, vers une VIème République « avec une proportionnelle intégrale à tous les scrutins, la limitation des mandats dans le temps et l’adoption d’un réel statut de l’élu ». On parle de la création d’un tel statut depuis le début des années 80 ! Pour Claude Haut, sénateur et président du Conseil général de Vaucluse, il faudrait aussiprévoir, entre autres, « la possibilité de suspendre, le temps d’un mandat, son contrat de travail pour le retrouver ensuite ». D’autres insistent sur la nécessité de mieux payer les maires de petites agglomérations par exemple, afin qu’ils se consacrent uniquement à leur mandat.
Un manque de moyens que déplore également Julien Aubert. « Je suis plutôt favorable au non-cumul mais pas tel qu’il est présenté, le jeune député UMP de Vaucluse. Cette loi risque d’être la porte ouverte à l’utilisation massive de la proportionnelle. Les députés choisis par le parti seront des petits soldats, tandis que les barons locaux conserveront leur mandat local. Il faut peut-être moins de parlementaires mais plus de moyens, de collaborateurs, un peu à l’américaine. Un député doit être payé correctement, pour résister aux lobbys par exemple… »
Députés hors-sol ?
Et puis il y a les franchement pour le cumul, comme Jean-Michel Couve. « Même si je ne cumule plus, je l’ai largement fait par le passé, ît le député UMP du Var. Il est utile d’occuper un mandat local exécutif et un national. Quand on est aux commandes, on est vraiment conscient des réalités locales, ce qui n’est pas le cas quand on est simple conseiller municipal. » Et d’estimer que si le cumul est aussi impopulaire c’est parce que les électeurs pensent que les élus cumulent les indemnités. « C’est faux, nous sommes limités ! » En réalité, au-delà du plafond, fixé à 8 272 euros bruts, les sommes engrangées peuvent être reversées à son proche réseau. Le non-cumul aurait le mérite de faire disparaître ce dispositif dit « d’écrêtement ».
Il n’y a pas qu’à droite où le morceau a du mal à passer. Les radicaux de gauche, par exemple, ne voteront pas la loi sans amendements. « J’ai l’impression qu’on voit le député-maire comme un satanique, Joël Giraud, député radical des Hautes-Alpes et maire de l’Argentière-la-Bessée. Si la loi passe en l’état, nous aurons une quantité de députés hors-sols, déconnectés des réalités. » Samia Ghali, sénatrice des Bouches-du-Rhône et maire de secteur à Marseille, invoque la mission sénatoriale de représentation des collectivités locales. Ce que récuse le sénateur – et président du Conseil général de Vaucluse – Claude Haut, favorable à une application sans distinction pour tous les parlementaires dès 2014.
« La vraie hypocrisie, c’est qu’un élu délégué à je ne sais quoi dans une grande collectivité locale, ce qui demande un travail à plein temps, pourra lui être parlementaire !, renchérit Samia Ghali. Et non ! On peut remplir plusieurs fonctions à la fois ! » Pourtant, selon le site internet nossenateurs.fr, elle fait partie des 100 sénateurs qui comptent le moins de semaines d’activité et de présence en commission. Et la candidate à la candidature à Marseille pour 2014 de conclure : « Le non-cumul va contraindre les élus à reprendre leur activité professionnelle et à délaisser l’action publique. » Bingo ! Voilà le meilleur moyen de renouveler la classe politique !
Clément Chassot