Lors d’un enterrement, on se retrouve, on fait ce qu’on a à faire, on pleure, on rit… Et puis on mange. Car les émotions, ça creuse.
Je me suis retrouvé avec la difficile tâche de cuisiner pour l’hommage funéraire d’un ami. Obsédé par la portée symbolique des aliments, leur couleur, leur consistance. Concentré sur cette ambiguïté étrange qu’entretient la mort avec la nourriture. J’ai tenté de me rappeler un aliment marquant d’un enterrement auquel j’ai participé autrefois. Sur le buffet, il y avait du pâté en croûte.
Je me souviens de m’être resservi de ce plat plusieurs fois, avide d’imprimer son goût dans ma mémoire. Le deuil avait commencé, la famille avait traversé un vertige collectif. On s’est retrouvé autour de la table. En mangeant je regardais autour de moi, inquiet de rencontrer les yeux de quelqu’un outré par ma gourmandise. Mais personne n’était en train de me juger. Nous mangions en silence et je me souviens de la croûte croquante, du parfum entêtant de la farce, du clair obscur dans la pièce où avait été dressée la table. J’étais clairement en train de refaire surface, je remettais de la chair sur mes os. J’étais bien vivant.
Pour mon pote, on a préparé une blanquette, un de ses plats préférés, mais comme il n’était pas là c’est nous qui avons tout mangé.
Blanquette de Posh
Pour 80 personnes
Pour le bouillon
– 15 kg de veau fermier
– 2 têtes d’ail
– Le vert de 10 poireaux
– 4 oignons piqués de clous de girofle
– Un bouquet de carottes fanes
– Laurier thym
– Poivre entier
– Cognac
Les légumes
– 4 kg de champignons de Paris
– 6 kg de carottes avec leurs fanes
– 4 kg de navets nouveaux
– 4 kg d’oignons grelots
– Le jus de deux citrons
– 100 g de beurre
La sauce
– 1 kg de beurre gastronomique
– 1 kg de farine
– Une belle noix de muscade
Préparer le bouillon
Dans une grande marmite mettre la viande, l’ail écrasé, les légumes soigneusement lavés, le laurier, le thym et le poivre. Porter à ébullition et faire mijoter trois heures sans jamais atteindre le gros bouillon qui anéantit tous les parfums. Il vaut mieux saler à mi-cuisson. Retirer la viande et les légumes à l’écumoire. Trier la viande et la réserver. Jeter les légumes qui sont maintenant trop cuits. Filtrer le bouillon consciencieusement. Ajouter le cognac. Réserver la viande et le bouillon à part.
Pendant la cuisson, préparer les légumes. Couper les champignons de Paris en gros cubes et les plonger quelques minutes dans l’eau bouillante avec le beurre et le jus de citron. Retirer les champignons à l’écumoire. Couper les carottes en quatre, les cuire doucement dans la même eau, les retirer quand elles ne sont plus croquantes. Procéder de même pour les navets puis ajouter le bouillon de légumes (très parfumé aux champignons) dans le bouillon de viande.
Pour les oignons grelots, il faut idéalement être nombreux pour les éplucher avec beaucoup de patience. On les cuit au four avec un peu de beurre. On les retire avant qu’ils commencent à colorer.
On peut maintenant passer à la sauce. Préparer un roux : Dans une casserole de 40 litres faire fondre le beurre. Y ajouter la farine en pluie, en l’incorporant au beurre avec un fouet. Laisser gonfler le mélange en remuant fréquemment puis ajouter le bouillon louche après louche sans cesser de remuer avec le fouet. La sauce ne doit pas être trop épaisse mais rester toutefois très nappante. Ajouter la muscade, et y mettre la viande et les légumes.
On sert la blanquette avec du riz blanc et on la mange avec de la lumière dans les yeux.
Vous l’aurez compris, cette recette est dédiée à Posh, flamboyant compagnon parti se taper des barres de rire dans l’au-delà.
P. d. S.