Contre les supporters, des mesures ultra-sécuritaires
Champion mon frère ! Avec huit interdictions de déplacement, l’OM est sur le podium français de la répression des supporters. Mais il doit se contenter de la troisième place, derrière les neufs mesures prises à l’encontre de Nantes et Saint-Etienne, et les dix formulées contre Lens et… le PSG. Désolé les Marseillais ! « La situation ne va faire qu’empirer pour les supporters, déplore Michel Tonini, président des Yankees Nord, l’un des plus grands groupes de supporters de l’OM. Aujourd’hui, aller au stade, c’est se jeter en garde à vue ! Rien que pour entrer, on se fait fouiller de la tête aux pieds, comme un prisonnier. » Le cofondateur du groupe de 5000 abonnés déplore cette forte répression. Selon lui, les sanctions prises cette année contre les supporters de l’OM étaient injustifiées dans la grande majorité des cas : « Avant, on était interdit seulement si on avait fait des vraies conneries. Mais depuis la Coupe du monde 98, la réponse unique aux problèmes, c’est l’interdiction. Les seuls dialogues qu’on a se résument à "pan-pan-cul-cul". On n’est même pas considérés comme des interlocuteurs adultes ! »
Interdictions de stade à gogo
Son homologue niçois, Frédéric Braquet, président de l’association Populaire Sud, a lui-même été interdit de stade toute cette année : « Après un premier avertissement, je m’étais plaint dans les journaux locaux. Du coup, je suis devenu une cible. » Suite aux affrontements en marge de Nice-Naples, la police le convoque « sans justifier quoi que ce soit » et le relâche rapidement. « Mais quelques jours plus tard, j’ai reçu un courrier de la préfecture affirmant que j’étais responsable de violence », raconte le président de l’association niçoise. Le problème avec les Interdictions administratives de stade (IAS), c’est que, le temps de passer devant un tribunal, la saison est passée et le supporter n’a pu assister à un match autrement que devant un écran de télévision. Qu’il soit coupable ou non.
La première loi les concernant remonte à 1993, avec la création des interdictions judiciaires de stade. Treize ans plus tard, ces mêmes dispositifs deviennent plus accessibles pour les préfectures, grâce à la création des fameuses IAS. Dans le même temps, on donne la possibilité de dissoudre les groupes considérés comme violents. En 2011, le gouvernement vote la possibilité d’interdire certains déplacements. « Un dispositif contraire aux principes de libre-circulation de Schengen et des lois françaises », selon Michel Tonini des Yankees. Et enfin, depuis mai dernier, la loi Larrivé donne la possibilité aux clubs de ficher les supporters qu’ils ne désirent plus voir dans leur stade. Une pratique jusqu’alors considérée comme complètement illégale…
« Tout ça forme un dispositif législatif répressif parmi les plus élevés en Europe, résume le sociologue Nicolas Hourcade. On peut critiquer cette politique mais au moins elle existe et elle est cohérente. » Menée par la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH), en accord avec certains clubs, comme le PSG, cette façon de faire n’est pourtant pas la seule possible. En Allemagne, par exemple, le gouvernement a choisi de dialoguer avec les supporters les plus radicaux. Et cette année encore, le pays compte cinq de ses clubs parmi le top 10 des meilleures affluences européennes…
La « flic zone »
« L’Etat d’urgence a permis la montée en gamme d’une politique qui était déjà appliquée », constate Nicolas Hourcade. L’Association nationale des supporters (ANS) a chiffré l’évolution du nombre d’interdictions de déplacement depuis la création du dispositif. Entre sa mise en place, en 2011, et le début de l’état d’urgence, fin 2015, 140 procédures avaient été mises en place. Alors que depuis novembre, 155 interdictions de déplacement supplémentaires ont déjà été recensées ! Des chiffres qui posent question à la veille de l’Euro. En janvier, l’ANS s’interrogeait via un communiqué : « Si les pouvoirs publics n’ont pas la capacité d’encadrer la venue de quelques bus de supporters, comment feront-ils à l’Euro ? »
Laurent Nuñez, préfet de police des Bouches-du-Rhône, l’assure : ces interdictions de déplacement ne sont prises que « dans le contexte de menace terroriste. Les policiers ont autre chose à faire que de s’occuper des supporters qui se tapent entre eux ! » Pour l’Euro 2016, d’énormes moyens ont été accordés à la sécurité. Rien que sur Marseille : un millier de fonctionnaires mobilisés, dix-sept nouvelles caméras de surveillance, un service de déminage pour la « fan zone », le périmètre équipé d’écrans géants en accès libre réservé aux supporters… « Ce dispositif sera beaucoup plus important que pour un match de Ligue 1 », souligne le préfet de police, qui certifie que tous les entraînements de préparation des forces de l’ordre pour l’Euro se sont très bien passés.
Mais la perspective ne ravit pas forcément les policiers. Rudy Mana, syndiqué chez Alliance, a régulièrement travaillé au Vélodrome pendant huit ans. Et il sait déjà que durant le championnat d’Europe, il y aura « peu de jours de repos et beaucoup de remplacements pour les policiers ». Comme quoi, il n’y a pas que l’OM qui passe une mauvaise saison…
Louis Tanca