« Comment se fait-ce, Monsieur Faïsse ? »
18h00
– « Coucou, moi c’est Eric. »
– « Coucou, moi c’est Sylvie. »
Le local de Solidaires, boulevard Longchamp (Marseille 1er) où se tient ce soir l’assemblée plénière d’Alternatibaïoli est quasi vide. Eric Faïsse (Eau bien commun, Terre solidaire), l’un des coordinateurs, se réveille doucement d’une petite sieste sur le canap. Lunettes rondes sur le nez et calvitie agrémentée d’un catogan, il nous explique que toutes les thématiques ne sont pas pourvues : « On n’aura pas d’eau. Mais on s’en fout, on a le climat, on n’a pas besoin d’eau ! »
18h15
Une femme, la soixantaine, pochette péruvienne équitable en bandoulière, pantacourt et idées longues, ne connaît personne mais distribue des bises à tout le monde.
18h30
Difficile de faire patienter un journaliste sans alcool ni petits fours… « Ah ben non, l’assemblée commence à 19 h, avant c’est l’accueil des bénévoles ! », nous lance l’un des participants nous voyant trépigner. On dévoile la nouvelle banderole. « Alternatibaïoli, les sardines nous remercieront ! » : une police verte sur fond blanc qui n’est pas sans rappeler le Pays basque où l’initiative est née. Thibaud (du Dar Lamifa, « espace d’épanouissement populaire »), physique de Jack Sparrow, fait son entrée.
18h47
« Comment ça se fait qu’il y a plus de monde à l’extérieur qu’à l’intérieur ? Comment se fait-ce, Monsieur Faïsse ? », s’interroge « éponymement » le gentil coordinateur.
19h03
« On va se mettre en cercle pour tous se voir, c’est plus sympa ! », propose le pirate des Caraïbes de l’alternative solidaire au milieu du brouhaha. Jipé, la cinquantaine, queue de cheval grisonnante, explique les gestes non violents utilisés pendant les plénières : « Ainsi font font font » pour applaudir ; les mains en l’air pour dire qu’on est ok ; vers le bas pour signaler qu’on n’est pas d’accord ; les bras en croix pour dire que l’on est contre ; et à la façon de « tourne, tourne, petit moulin » pour dire (gentiment) que l’autre se répète et que si on pouvait passer à autre chose ça serait mieux. Enfin, un « T » avec les mains pour demander la parole.
19h07
Organisation quasi militaire… Eric s’auto-désigne comme « donneur de parole » : « Je vous demanderai d’être factuels et pas répétitifs ! On s’écoute parler pendant deux heures et on évite les messes basses ! » Chaque représentant de commission a droit à 2 minutes de temps de parole. Sophie (commission éthique et politique) sera le « maître du temps ». Pascal Hennequin (Fokus 21) rédigera le compte rendu. Thibaut Sparrow se propose à l’animation. « Ainsi font font font » de l’assemblée.
19h10
La responsable de la commission alimentation ouvre le bal. Elle recherche du monde pour l’aider à aller voir les commerçants. « Tu peux parler plus fort, on n’entend rien ! », crie Eric. « Il faut être concis. Tu as dépassé tes deux minutes », poursuit la queen de la clepsydre. Thibaut d’abréger : « J’invite tous ceux qui seraient intéressés à prendre contact avec… euh… Comment tu t’appelles déjà ? »
19h20
Alain Roussel, co-fondateur des Amis du Ravi, représente la commission média et annonce deux thèmes : « l’écologie dans la presse » et « comment l’élu s’empare des médias ? ». Un homme au fort accent allemand (autrichien nous précise-t-on) intervient hors sujet pour évoquer la fête de l’Europe [le 9 mai à Marseille, ndlr]. « J’ai pas compris ton intervention mais c’est pas grave », le coupe Eric avant de passer la parole à une autre personne. Et d’enchaîner un « tu peux te mettre debout s’il te plaît ? » à l’un, un « tu peux parler plus fort ? » à un autre et un « bon on va pas lancer le débat là ! » à un troisième.
19h27
Maxime, du Recyclodrome, s’interroge sur les contacts pris avec Emmaüs. On lui répond que la structure n’a pas été convaincue par le projet et ne sera donc pas partenaire. La commission « aménagement et urbanisme » annonce qu’elle change de nom pour « espace public à vivre ». C’est plus glamour !
19h33
Guillaume, tête de Leprechaun, annonce que la commission « solidarité et démocratie » est rebaptisée « démocratie et citoyenneté » et s’inquiète de comment s’installer sur le Vieux-Port avec le marché aux fleurs. Une des membres de la commission interroge l’assemblée sur l’intérêt de maintenir le marché aux fleurs… provoquant un brouhaha de contestation dans la salle.
19h40
Hugo, de la commission « éducation populaire » annonce une conférence au Dar Lamifa intitulée « Quel avenir pour les gens qui s’obstinent à chier dans l’eau potable ? » (Rires de la salle). « Timing ! Timing ! », presse Sophie. Gwen, de l’espace enfant, annonce « une chasse à la sardine » avant de se faire reprendre par Eric : « Euh, une pêche à la sardine, non ? »
19h47
Un moustachu, physique de Freddie Mercury, tente de se frayer un chemin et de s’installer à la table. Pascal annonce que chacun dispose de 250 euros par thématique. « Vous n’êtes pas obligé de les dépenser non plus ! », plaisante Eric. « Euh, il faut faire des prévisions de trésorerie car pour l’instant on n’a pas l’argent », modère un autre.
20h15
Annonce du « cycloscuba » (faire du vélo en masque et tuba) « pour symboliser la montée des eaux », précise l’intervenant. Rires dans la salle. Suit la commission animation. « Ah ! Ça devrait bourlinguer là ! », s’excite Eric. « Ah oui, la mauvaise nouvelle c’est que Keny Arkana se retire du projet », annonce-t-on. « Y a rien d’acté ! », précise Pascal face à une salle dépitée. « Eh ben moi je dis qu’elle a bien tort de se retirer de ce bien beau projet », ajoute Eric. Le Danois intervient comme un cheveu sur le Schnitzel : « J’étais absent mais est-ce que vous avez parlé du Crédit coopératif ? »
20h21
« Vous avez tous bien taffé ! », applaudit Thibaud. On passe au recrutement. Pascal présente son poulain de façon mystique : « Je ne suis pas croyant […] mais quand on nous fait rencontrer Wilfried, qui est régisseur général, spécialiste du kiosque et qu’en plus il a un tee-shirt sur lequel est marqué Barjot-(Barje eau) alors qu’on veut faire jouer HK sur une barje… Je pense qu’il n’y a pas de signes mais bon… » Freddie Mercury s’appelle en fait Wilfried, il se présente et a droit au même traitement de faveur que les autres de la part d’Eric : « Tu peux te lever s’il te plaît ? » Pascal annonce que la décision sur son embauche sera prise la semaine prochaine collectivement. « Ça serait bien qu’on envoie du bois », lance Wilfried qui leur fait comprendre que le délai est trop long. Mélanie en charge des bénévoles propose d’acter ça ce soir. Freddie repart avec un boulot.
20h30
Sophie s’interroge sur la fiche projet proposée par Nouvelle Donne alors que la charte Alternatiba interdit toute étiquette. Réactions en chaîne. Certains n’y voient pas d’inconvénients « puisqu’il s’agit d’un parti citoyen et apolitique ». « A partir du moment où ils participent au jeu des élections, c’est un parti », insiste Thibaut. « S’ils se présentent sans étiquette, pourquoi pas », lance un autre. Pascal interroge : « Si le FN vient et qu’il propose un jeu, est-ce qu’on l’accepte ? Pareil pour le PS ? » Sébastien Boistel, autre journaliste du Ravi présent dans la salle ce soir-là, soulève le cas de ceux qui se présentent comme collectif mais sont en fait rattachés à un parti comme la Nouvelle écologie liée au FN. « Je n’ai toujours pas compris ce qui est acté », indique Sophie.
21h00
L’ordre du jour est loin d’être bouclé alors que les deux heures sont dépassées. Décision collective est prise de poursuivre encore 30 minutes.
21h15
C’est bien connu, les cordonniers sont les plus mal chaussés : Alain fait remarquer que les flyers ne sont pas imprimés sur papier recyclé…
21h23
« Aïoli ! », lance Thibaud pour conclure la séance, cri libérateur repris en chœur par la salle. Avant que Pascal ne casse l’ambiance : « A l’ordre du jour, il reste encore les dossiers administratifs et ça serait bien qu’on ne soit pas que quatre à les faire… » Mais la bière coule déjà à flots !
Samantha Rouchard