Ceux qui m’aiment prendront le parloir
« Je lui ai dit à mon fils : « nous, dehors, on subit plus que vous ». On subit le regard des voisins et de la famille pour qui on devient un pestiféré », raconte Marie, la cinquantaine, dont le fils de 24 ans est incarcéré depuis plus d’un an. Certaines familles finissent par ne plus « prendre » de parloir pour pleins de raisons : la lassitude des récidives, la distance géographique ou encore les horaires compliqués à tenir lorsqu’on travaille… Et puis, il y a le jugement des autres qui vient aussi souvent de l’administration pénitentiaire. Marie explique que, dernièrement, la CPIP (conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation) de son fils lui a mal parlé : « Ce n’est pas parce que mon fils est à l’intérieur que je suis une mauvaise mère. On ne sait malheureusement jamais ce que la vie nous réserve. »
Les femmes en première ligne
Marie a élevé ses enfants seule et, aujourd’hui, pour assumer financièrement, elle travaille 210 heures par mois et n’hésite pas à faire des nuits pour venir au parloir. Si elle ne vient plus, son fils est perdu. Elle n’hésite pas à le recadrer régulièrement : « Je lui ai dit : « Je ne vais pas passer ma vie ici ! Tu ne réponds pas aux provocations ! C’est toi qui t’es mis là ! » » Marie a déménagé pendant la détention de son fils, afin de s’éloigner des quartiers Nord de Marseille et pour lui, à la sortie, elle a tout prévu : « Il ne le sait pas encore, mais je l’envoie dans les Alpes ! »
Ce sont souvent les mères, les sœurs ou les épouses qui longent le mur des Baumettes, un sac de linge à bout de bras, sur lequel est inscrit le nom du détenu et son numéro d’écrou. Les regards se croisent mais ne s’éternisent pas, la peur de l’effet miroir sûrement… Jacqueline Seimpere, 72 ans, présidente de l’association des parents de détenus aux Baumettes, a vu passer de nombreuses familles en trente ans de service. « Elles sont perdues quand elles arrivent ici. Il faut expliquer le règlement. Et beaucoup ne savent ni lire ni écrire. » L’engagement de Jacqueline n’est pas anodin. Son fils, toxicomane, a passé plus de quinze ans en prison. Les regards réprobateurs, la famille qui s’éloigne, elle connaît.
« Quand il est dedans, au moins je sais où il est. C’est compliqué de vivre avec quelqu’un d’incarcéré. Mais de toute façon, avec ce « type d’hommes » on apprend vite à tout gérer toute seule », explique Chaïma, 32 ans, de Fréjus, dont le mari n’en est pas à sa première incarcération. « Il a un portable et il m’appelle tous les jours. Il me demande pardon mais les belles paroles prononcées en prison, on ne peut pas les croire », souligne la jeune femme. Je garde tout pour moi. Je ne me confie pas, même pas à la famille. Et lui ne supporte pas que je pleure au téléphone. » Avant de rajouter : « Vous savez, je suis une fille honnête, je travaille, je paie mon loyer, j’ai des enfants, mais la vie a fait que je l’aime… »