C’est du Off ?
Des bobos s’encanaillant en allant bouffer des merguez à l’Estaque, un hurluberlu ganté de latex organisant sur le Vieux-Port la « grande flatulence », un « tribunal des flagrants délires » pour titiller, à la veille de 2013, acteurs politiques et culturels avant qu’ils ne fassent leur beurre… Le bilan du Off, de l’Alter et du Out serait-il aussi peu réjouissant que de voir Jacques Pfister, le patron de la CCI, additionner moutons et touristes pour masquer le déficit de MP 2013 ? Pourtant, l’effervescence était prometteuse : face au In, un Off mais aussi un Out, un Alter… Sans parler des encagoulés du Fric (Front des réfractaires à l’intoxication par la culture) et autres Arailleurs.
Avec deux expos, l’Alter Off – l’auto-proclamé « vrai » Off – est resté confidentiel… mais promet d’en mettre un coup en 2014. Même tonalité avec le Out qui n’a organisé qu’un débat. En revanche, le Off, lui, aurait attiré « 120 000 personnes ». Avec 460 000 euros de budget, 80 % ayant été utilisé « pour les projets » et 90 % « réinjecté dans le territoire ». Le tout en affichant un « compte de résultat et un bilan à l’équilibre » ! De quoi lancer en fanfare un « after » (« Marseille 3013 ») en faisant déjà de l’œil aux mécènes. Et grincer quelques dents.
Gauchos ou vendus ?
« Sortons du pour et du contre », tempère Sam Khebizi, du Out. Pour lui, s’il y a eu des contre-propositions, cela tient d’abord aux « méthodes » de MP 2013, « les appels à projet » ayant « exacerbé la concurrence entre acteurs culturels ». Et donc les déceptions. Mais, s’il y a eu un Out ou un Alter, c’est, pour le patron des Têtes de l’Art, dû « au positionnement du Off. S’il avait porté le débat sur la culture, il n’y aurait pas eu de Out. Et s’il n’avait pas clamé que, pour financer une programmation alternative, il n’allait pas se soucier de l’origine de l’argent, il n’y aurait pas eu d’Alter. »
Louis Alesandrini, de l’Alter, n’a toujours pas digéré la « Trocade » du Off en 2011 « dans des locaux mis à disposition par l’ANF-Eurazo », la société responsable de la rénovation rue de la République. Réponse de Stéphane Sarpaux, le patron du Off : « C’était ça ou les locaux d’Orange sur la Canebière. J’imagine déjà les critiques ! Ok pour la purification éthique mais, à un moment, il s’agit de faire… sans pour autant démarcher la fondation Total. De toute manière, au Off, on est soit des gauchos, soit des vendus. »
En tout cas, Jean-François Chougnet, le patron de MP 2013, aime à ce point le Off qu’il fait partie de son conseil d’administration : « Ils m’ont toujours plu ! Mais nous n’avons jamais cherché à les récupérer ou les contrecarrer. Le Off a été un prestataire pour nous. Une partie des opérateurs culturels auraient bien aimé que le Off devienne leur salon mais ça n’a jamais été le projet des fondateurs. Certains ont eu une ligne de lecture plus politique mais ça n’était pas au projet du Off de l’incarner. Eux, c’était l’impertinence… »
Un off sans ligne éthique
De fait, ce que l’Alter reproche au Off, c’est d’être « la béquille » de MP 2013. Pire ! Pour le patron du Point de Bascule, « alors que cette capitale européenne n’a été qu’une instrumentalisation de la culture, le Off a carrément sauvé 2013 »,tempête François Pecqueur, fort marri d’avoir vu surgir un Off financé à 65 % par le privé au moment où, avec une centaine d’acteurs culturels et son projet les Arailleurs, il réclamait un million d’euros de subvention pour « redonner une dimension politique à la culture dans une ville où ceux qui la définissent s’appellent Gaudin et Pfister ». Et de fustiger un Off qui « a empêché de faire entendre une autre voix » et qui « sous couvert de décalage, a nié la dimension politique de la culture ». Une dimension qu’il compte bien mettre en valeur, le Point de Bascule étant désormais la base arrière du « Sursaut », mouvement soutenu par Sébastien Barles (EELV) avec, entre autres, Pape Diouf…
Au Out aussi, on s’interroge sur « la dynamique du Off. Si leur ambition était de nous raconter quelque chose de Marseille, il leur a manqué une ligne politique et éthique pour porter une alternative utile à la vie culturelle locale. Peut-être ont-ils été les plus cohérents. Mais, s’ils ont fait leur trou, à être trop pragmatique, on risque de se faire instrumentaliser». Ainsi, parmi les sponsors de la poubelle géante qui a atterri près du Vieux-Port, on trouve… MPM, la collectivité territoriale gestionnaire des déchets !
Au Off, on se veut lucide : « Même si c’est parti comme un délire de potaches, dès le départ, le Off voulait contribuer au succès de la capitale européenne de la culture, en replaçant les artistes au centre. Ici, pour se faire entendre, mieux vaut être dans la confrontation, sourit Stéphane Sarpaux. Et si, avec Latarjet, c’était tendu, Chougnet, lui, a très vite pris contact avec nous. En nous traitant comme des alter… ego ! C’est comme le festival d’Avignon. Au départ, le Off est né pour dénoncer la confiscation du théâtre par une élite. Et aujourd’hui, sans le Off, Avignon ne serait plus le plus grand théâtre du monde… »
Un Off où, ajoute-t-il, « tout le monde a été payé. Mais avec des tarifs dignes du Ravi. Et c’est là qu’on peut être perçu comme un danger. Parce qu’on a réussi à faire de la culture sans engloutir des sommes considérables. Et ça, ça interroge un certain nombre de structures. Et de statuts. » De quoi donner du grain à moudre pour les débats du Out. Et peut-être des boutons à l’Alter.
Sébastien Boistel
Note : Stéphane Sarpaux est journaliste au Ravi (actuellement en congé parental), un mensuel partenaire du Out, du Off et de MP 2013. Et qui, ayant diffusé les annonces du Fric, a été distribué au… Point de Bascule !