Caselli Sem le trouble
Le contrat de distribution d’eau de la communauté urbaine Marseille Provence Métropole (MPM), l’assainissement de l’est et à l’ouest de son territoire. Eugène Caselli, président socialiste de MPM, a particulièrement gâté la Société des Eaux de Marseille (Sem) au moment de renouveler ses délégations de services publics de gestion de l’eau, dont les nouveaux contrats entreront en vigueur le 1er janvier prochain (1). A elle seule, la filiale de Veolia, historique concessionnaire du service depuis 1943, rafle les trois quarts d’un joli jackpot : 3 milliards d’euros sur 15 ans (2) ! Et une promesse de bénéfices fleuves.
Entre 2008 et 2011, selon un audit de 2012 de Finance Consult, que le candidat à l’investiture socialiste a fourni au Ravi après avoir pendant des années évité le sujet, l’eau de Marseille a alimenté les comptes de la Sem de quelques 10,7 millions d’euros par an. Soit 42,8 millions d’euros sur les 105,66 millions d’euros de bénéfices de la Sem sur la période, dont 87,5 millions d’euros (83 %) sont remontés vers l’ancienne Générale des eaux, actionnaire à plus de 95 % de sa filiale marseillaise.
Pratiques opaques
Plus curieux, ces bons résultats de la Sem explosent au moment où son stock de provisions pour les travaux de renouvellement (canalisations, etc.) de son contrat plonge. Au point de faire tousser le cabinet de conseil, qui ne semble pas croire à une accélération fulgurante des chantiers à deux ans de son terme. Page 108, Finance Consult prévient : « Des reprises sur provisions significativement supérieures aux dépenses engagées […] signifie […] que les charges prévisionnelles ayant permis de définir les tarifs du service ont été surévaluées. » Traduction : la Sem pourrait avoir fait payer aux usagers des travaux qu’elle ne fera pas. Pour certains, elle aurait même transféré le pactole vers Veolia.
Une analyse que réfute en bloc Philippe Blanquefort, inspecteur général des services de la collectivité. « Ce serait trop visible », balaie le juriste, qui assure la hotline de MPM pour le Ravi. Et de promettre que l’avenant 21 signé en 2010 par Eugène Caselli a définitivement « clôt le débat » d’un éventuel trésor de guerre à récupérer par MPM en fin de contrat en baissant la rémunération de la Sem de 7,8 % sur les trois dernières années du contrat. Selon Philippe Blanquefort, il ne dépassera pas 7 millions d’euros. Un pourboire au regard d’autres situations françaises (le Ravi n°108).
Cabinet des lamentations
Mieux, Finance Consult aurait finalement un peu bâclé le travail dans cet audit. « Bien que de très bonne qualité, [son] travail souffre d’absence de contradiction avec le délégataire, ce qui explique quelques imprécisions », juge ainsi l’inspecteur général des services de la collectivité. Le cabinet a pourtant toujours donné grande satisfaction à la collectivité : assistance de maîtrise d’ouvrage de MPM pour l’analyse de ses services eau et assainissement de 2008 à 2012 (3), il a également été retenu pour l’accompagner dans la rédaction des cahiers des charges des nouvelles délégations de service public et du choix des nouveaux concessionnaires !
Surtout, dans cet audit Finance Consult ne fait qu’actualiser les critiques de ses précédents rapports, dont le Ravi a déjà rendu compte dans ses colonnes (4). Certaines figuraient même déjà dans les dernières observations de la chambre régionale des comptes sur la gestion du service de l’eau du périmètre de Marseille sous l’ère du PS Robert Vigouroux et puis de l’UMP Jean-Claude Gaudin. Un document de juin 2000 ! C’est notamment le cas du suivi très personnel de la Sem de ses travaux de renouvellement (et de la gestion du cash qui va avec), de la complexité des tarifs de l’eau, évidemment toujours favorables à la filiale de Veolia, ou encore de petites choses indûment mises à la charge des usagers. Comme des frais financiers, alors qu’il n’y a ni dette ni emprunt, et les 3 millions d’euros de mécénat versés en 2011 pour la rénovation du musée d’histoire de Marseille (5).
Si la collectivité aurait pu (dû) taper du poing sur la table pour cette dernière petite libéralité, à sa décharge, l’antériorité du contrat, qui date de 1960, et le laxisme des prédécesseurs d’Eugène Caselli ne lui ont pas simplifié le travail. La collectivité ne manque d’ailleurs pas de le rappeler. Via son inspecteur général des services, désormais elle jure : « Le nouveau contrat proposera le meilleur service au meilleur prix et entend juguler et maîtriser l’ensemble des risques qui auraient pu naître de [mauvais] usages. » Un minimum au regard du pactole déjà amassé par la Sem.
Jean-François Poupelin