Ça déménage dans les médias !
Alors que les députés viennent d’adopter un texte censé renforcer « la liberté, l’indépendance et le pluralisme », dans les médias, en ce moment, ça déménage ! Et pas qu’à Marsactu, le « pure player » marseillais cambriolé par deux fois. Radio Grenouille, à Marseille toujours, lance un appel à don, Radio Galère des « bouffes de soutien » et à « City Post », c’est presque du jour au lendemain que les journalistes ont appris la fermeture du site.
Du côté de la presse quotidienne régionale aussi, ça sent les grandes manœuvres. Prenez La Provence. Fin 2015, Bernard Tapie, patron du titre, est condamné à rembourser, dans le cadre de l’affaire Adidas, plus de 400 millions d’euros. Si l’homme d’affaires fait tout pour enclencher une procédure de sauvegarde afin de mettre son groupe à l’abri, s’invite au capital du journal un investisseur belge, le groupe Nethys.
La PQR à l’heure belge
Pour l’heure à 11 %, les Belges ne semblent pas vouloir grimper davantage. Le CE a toutefois décidé de faire appel à un cabinet d’avocat pour suivre la procédure de sauvegarde, « le parquet ayant fait appel, les choses pourraient évoluer rapidement », note-t-on côté syndical. En attendant, La Provence va devoir payer les indemnités de la trentaine de journalistes qui avaient fait jouer la clause de cession lors du rachat par Tapie, « une procédure qui va nous coûter 130 000 euros, déplore un journaliste, de l’argent qui aurait pu servir à autre chose ».
Le calme avant la tempête ? Peut-être. Un an et demi à peine après être devenu une coopérative, Nice-matin est en train d’ouvrir son capital. « Malgré les économies, on a beau être à l’équilibre, pour se développer, il faut du cash, explique Patrice Maggio, rédacteur en chef de Var-matin. On cherche un repren… euh, un partenaire. »
Alors que les salariés se prononceront en avril sur les offres – avec, comme condition, dixit un journaliste, que « notre voix reste prépondérante et qu’on ne touche pas aux effectifs » – il y aurait une dizaine de prétendants. Dont le belge Nethys, d’aucuns croyant déceler l’ombre de Tapie derrière. De quoi faire ressurgir un vieux serpent de mer : un « arc méditerranéen » médiatique.
Une Marseillaise nouvelle formule
Pendant ce temps, un an après la reprise par les éditions des Fédérés (présidées par le patron du PCF 13) et moyennant un plan social de 91 salariés, La Marseillaise lance une nouvelle formule. Avec une maquette qui « met en avant le local » et qui « cadre davantage avec notre effectif », dixit un journaliste, le quotidien, misant sur « l’enquête » et sur le réseau de ces « héros du quotidien » que sont ses lecteurs, espère trouver un second souffle.
En effet, d’après nos informations depuis le début de l’année, le titre vend à peine plus d’un millier d’exemplaires par jour dans les Bouches-du-Rhône. Des chiffres « en deçà de la réalité », rétorque le président du titre, Patrice Lecomte. Nous sommes 20 % au-dessus de janvier 2015 (Ndlr le mois de la tuerie à Charlie). Et depuis la nouvelle formule, nous n’avons que de bons retours ».
Reste que ce titre indépendant que cet ancien de L’Humanité refuse de définir comme « communiste » et qu’il revendique comme « journal régional d’opinion » est toujours dans le rouge. « Avec une baisse sensible des aides à la presse et le recul de la pub, rien ne dit que d’ici un an, le journal ne se retrouve de nouveau devant les tribunaux », redoute Emmanuel Vire, le secrétaire général du SNJ-CGT. Et de soupirer : « Ça ne va pas bien pour la presse communiste. Le Patriote n’est plus qu’une feuille, Le Travailleur Catalan ne compte plus qu’un salarié. Même L’Humanité est au plus mal ! »
Alors que La Marseillaise accueille désormais en son sein Zibeline, le gratuit culturel étant devenu supplément du quotidien, et que la CGT, en congrès à Marseille fin avril, compte faire la fête au siège du titre, le syndicaliste espère que ce journal « indispensable pour les luttes » saura « s’ouvrir ». Et le journaliste Léo Purguette de mettre ainsi en avant « de nouveaux chroniqueurs ». Pas toujours simple ! Dans le premier numéro de la nouvelle formule : un édito du patron du PCF 13, un bon de commande pour son prochain bouquin, un message du maire communiste du Rove et une pleine page à la gloire du patron du Mondial à Pétanque, Michel Montana. Mais, après tout, la révolution, n’est-ce pas aussi le retour à la case « départ » ?
Sébastien Boistel