Bienvenue dans la troisième dimension
« Inscription aux TAP jeudi 27 août de 16h à 18h. » Alors que dans toutes les écoles marseillaises l’inscription aux « Temps d’activité périscolaires » était programmée cette fin d’été du 25 au 28 août, dans le 3ème arrondissement les parents des écoles Saint-Charles (maternelle et élémentaire) ont eu la mauvaise surprise d’être pris à la gorge. Un dysfonctionnement de plus dans ce territoire qui concentre toutes les tares de la politique scolaire de la majorité de Jean-Claude Gaudin, sénateur-maire de Marseille depuis 20 ans (le Ravi n°130).
Parent d’élève de la maternelle Saint-Charles, Hinda Bennour a des cartables d’anecdotes de ce type. Exemples : « Le chauffage fonctionnait encore en juillet, les machines à laver se déversent dans les jardins pédagogiques, on n’a pas de garderie parce qu’il parait qu’on en n’a pas besoin, il n’y a pas de panneau « Ecole » à l’entrée de la cité du Racati alors que l’on borde l’A8. Les services seraient en rupture de stock », dénonce cette secrétaire administrative. « Tout le monde se heurte à la ville, déplore Carole Allione, secrétaire départementale adjointe du SNU-ipp 13. Parfois les interventions sont rapides, parfois il faut attendre une année » (1). Et parfois beaucoup plus, en tout cas dans le 3ème. « Les toilettes de l’école ont enfin été refaites cet été. Il n’y en avait pas assez pour le nombre d’enfants et elles étaient souvent bouchées, mais il a fallu attendre six ans », raconte Virginie, une instit de la maternelle de la Belle de Mai.
L’arrondissement des records
Ça n’est pas le seul record de cet arrondissement populaire et paupérisé, abandonné par Gaudin au sulfureux Jean-Noël Guérini et à sa fidèle Lisette Narducci, la maire du secteur (Force du 13, ex-PS ralliée au sénateur-maire LR). Si ses écoles pâtissent, comme celles du reste de la ville, du manque organisé de personnel municipal (une Atsem de moins que le nombre de classes par école, taux d’absentéisme de plus de 30 %) ou encore de budgets en baisse (celui des bibliothèques est passé de 900 à 200 euros par classe cette année selon le SNU-ipp), il est « champion du monde en termes de locaux et de bugs d’inscriptions », assure Virginie. Ce qui n’est pas rien vu les problèmes dans ces domaines…
Comme toujours à Marseille, les immeubles poussent plus vite que les services publics. Résultat : les fratries sont divisées, obligeant les parents à courir d’une école à l’autre, les classes plus surchargées qu’ailleurs, les enfants sans affectation plus nombreux (2). Et les locaux sont à la hauteur : certaines écoles ont été implantées dans des immeubles ou bastides évidemment inadaptés, d’autres, ou les mêmes, sont vétustes voire dangereux pour les enfants. Pour pallier, depuis 2000 la ville multiplie dans le « 3ème » les implantations de préfabriqués sur d’anciennes casernes. « On ne peut pas dire que rien n’est fait, mais ça n’est pas à la hauteur des besoins, dénonce Florimond Guimard, référent pour le 3éme arrondissement au SNU-ipp. L’école Bugeaud, qui ouvre sur la caserne du même nom, ne désengorge rien. National, comme Busserade ne ferment aucune classe, et Bugeaud va en ouvrir six ou sept au lieu de cinq. » Conséquences du manque d’anticipation : des récrés à tour de rôle, des bibliothèques transformées en salles de classe, etc.
Clientélisme de cour d’école
Très populaire et immigré, le 3ème arrondissement voit aussi ses écoles désertées par les classes moyennes « européennes ». « En maternelle, il y en a un peu, témoigne Virginie. Mais dès l’élémentaire, la plupart des parents mettent en place une stratégie d’évitement, soit hors du secteur dans le public, soit vers les écoles privées. » Un phénomène qui touche aussi les classes plus populaires. « Quand on parle de mixité, c’est parce qu’il y a quatre Chinois ! Et très tôt, il y a une homogénéisation par le bas », dénonce encore Djamila Ali, également de la maternelle Saint-Charles. « C’est affolant ! Les enfants ne se respectent plus, l’école n’est plus un facteur d’intégration », se désole aussi Hinda Bennour. Dans l’indifférence de la mairie, qui accorde les dérogations de manière discriminatoire.
Marseille ne serait pas Marseille si l’école échappait au clientélisme local. « Le 3ème est politiquement intéressant, note Séverine Gil, présidente du MPE 13, né d’une scission avec la FCPE. La situation des écoles y est de pire en pire. A chaque fois qu’il y a un mouvement de parents, il est bloqué par des proches de Narducci, comme ça a été le cas à National. Résultat, il n’y a eu que du colmatage depuis la sortie du rapport particulièrement inquiétant du comité d’hygiène et de sécurité. » (3) Conclusion dépitée de Carole Allione, du SNU-ipp 13 : « La seule chose de bien qui a été construite dans le quartier, c’est l’école Schumann. Et elle est privée. » Elle a été inaugurée le 20 juin dernier par Jean-Claude Gaudin himself…
Jean-François Poupelin
1. Danièle Casanova n’a pas répondu à nos sollicitations.
2. Selon le SNU-ipp 13, le 27/08, le service de la vie scolaire ne connaissait pas l’affectation de 1700 élèves.
3. Lamarseillaise.fr, 06/05/2014