Bienvenue chez « Marine » Joissains
L’an dernier, lors des législatives, sur le site web de la mairie d’Aix-en-Provence (13), un logo reprenait… la flamme du FN ! La com’ avait plaidé « l’erreur humaine ». Vraiment ? Car, après avoir déclaré qu’Hollande n’était « pas légitime », la maire UMP, Maryse Joissains, avait assuré, pour tenter (en vain) de sauver son siège de député, qu’elle avait « toujours défendu » les « valeurs » de Marine Le Pen.
Est-ce un hasard si la présidente du FN, avant d’annoncer que son université d’été se tiendra à Marseille en septembre, a lancé la campagne nationale du Front pour les municipales à Aix ? Une ville où, en 2008, il n’y avait pas eu de candidat frontiste mais où, désormais, le parti semble pouvoir se permettre de parachuter une inconnue : Catherine Rouvier. Si Maryse Joissains cultive volontiers une gouaille de poissonnière dans une ville pourtant très « CSP + », la candidate du FN se présente volontiers comme une « intello » : ayant signé une thèse (sur Gustave le Bon !), c’est une prof de droit qui est passée de Démocratie libérale à l’UMP pour finalement grenouiller au SIEL (Souveraineté, indépendance et liberté) avant de rejoindre le « Rassemblement Bleu Marine ».
Un mégrétiste reconverti
Parachutée ? La frontiste réfute le terme : « Je vis à Aix depuis septembre et j’espère y enseigner à la rentrée. Parachutée, je l’étais dans le Nord où je suis arrivée six semaines avant le premier tour des législatives. J’ai fait 19,6 % avec cinq militants. Ici, ils sont plus nombreux. Et si certains auraient préféré la promotion de l’un des leurs, je suis là pour servir la stratégie de Marine en prouvant qu’il n’y a pas au FN qu’un ramassis d’abrutis… Une stratégie qui n’est même plus de dédiabolisation mais de normalisation . » Un travail largement entamé par l’actuelle locataire de l’Hôtel de ville, dixit Joël Gombin, spécialiste du vote FN en Paca, pour qui celle-ci « a contribué à l’acceptabilité du discours du FN ».
Si elle dit ne partager que les « valeurs » du FN mais pas ses « solutions », l’édile chasse régulièrement sur les terres du Front, donnant autant de gages aux cathos intégristes qu’aux nostalgériques : ces dernières années, la maire d’Aix aura fait « citoyen d’honneur » le chansonnier d’extrême-droite Jean-Pax Meffret, érigé une stèle en l’honneur du général Bigeard et baptisé une rue « Bastien-Thiry », chef du commando ayant tenté d’assassiner De Gaulle en 62. Et il n’y a pas que les idées qu’elle recycle : l’ancien bras droit de Mégret, Damien Bariller, bosse à la com’ de la Semepa, la société d’économie mixte aixoise, où officia également l’un des fondateurs du GRECE, Dominique Gajas. Bariller émarge également au journal municipal.
Une stratégie qui surprendrait presque le sociologue : « Joissains suit le même chemin que toute la droite méridionale. Mais, ce qui est paradoxal, c’est qu’elle le fait dans une ville qui, sociologiquement, est très défavorable au FN. D’ailleurs, le score du FN à Aix est, en général, en deçà de la moyenne dans les Bouches-du-Rhône. A-t-elle réussi à « fixer » l’électorat frontiste ? Rien n’est moins sûr. » Une question à laquelle Rouvier se dit « bien incapable de répondre. Il est vrai qu’à la présidentielle, Sarkozy était plus à droite que le FN pour attirer les électeurs de la boutique d’à côté, sans la juger toutefois assez respectable pour débattre ou dialoguer avec elle ». Pour Joël Gombin, ce qui est sûr, c’est qu’« en ce moment, le FN a le vent en poupe. Il ambitionne de l’emporter dans plusieurs villes. Et, dans d’autres, comme à Aix, de mettre la pression sur la droite sur la question des alliances en espérant qu’ainsi, l’UMP implose ».
Tout est possible
Quid d’une alliance UMP-FN ? Un ancien conseiller d’opposition n’y croit pas : « A Aix, on est moins dans des alliances au grand jour que dans du recyclage. A l’époque déjà, Alain Joissains (NDLR Ex-maire d’Aix et époux de Maryse…) avait sur sa liste des membres du parti des forces nouvelles. » La candidate frontiste joue la prudence : « Je me méfie de ceux à droite qui tendent la main et qui, dans l’hémicycle, tournent la tête en croisant Marion [Maréchal « nous voilà » Le Pen, députée du Vaucluse NDLR] ». Tout en ajoutant : « A Aix, politiquement, tout est possible. Nous sommes une force montante. Nous accueillons tout le monde. Si une élue accepte notre charte, pourquoi pas ? Je n’ai pas encore rencontré Maryse Joissains. Je n’ai donc pas encore fait ma religion sur elle. »
Une remarque piquante de la part de celle qui, animatrice sur « Radio Courtoisie », s’est distinguée récemment en participant aux « premières assises de la résistance chrétienne » où a officié Guillaume de Thieulloy, l’assistant parlementaire d’un certain… Jean-Claude Gaudin. Autant dire qu’à force de jouer avec la flamme, Maryse, malgré sa croix en bandoulière, pourrait bien se brûler.
Sébastien Boistel