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« Vous demandez un entretien à Jacques Bompard. Or, il se trouve que votre revue a déjà dans un passé récent « couvert » les villes d’Orange et de Bollène, témoignant à chaque fois d’une rare malhonnêteté intellectuelle. En conséquence de quoi, il ne nous est pas possible de répondre favorablement à votre demande. » Le message est signé André-Yves Beck, personnage clef du système Bompard. L’homme est à la fois directeur de la communication de la ville d’Orange, auprès de Jacques, et adjoint chargé de la communication, des finances et des commandes publiques de la ville de Bollène, auprès de Marie-Claude. Il a milité dans grand nombre de groupuscules « nationalistes-révolutionnaires » – Troisième voie, Nouvelle Résistance, Unité radicale… – avant de rejoindre le Front national puis de devenir l’éminence grise des Bompard. Les uns et les autres changent d’étiquettes mais restent fidèles avec fierté à leur idéologie d’extrême droite qu’ils s’efforcent de mettre en pratique.
le Ravi « couvre » en effet avec attention ce qui se trame dans le Vaucluse. Fin 2010, Jean-Baptiste Malet signe déjà dans nos colonnes un article sur « la féérie de l’extrême droite municipale » à Orange et Bollène. Il y décrit les rouages d’un système : la destruction du tissu associatif, le harcèlement des opposants, l’abandon des services publics… A l’issue de cette première enquête, il décide de réaliser, avec Bernard Richard, un documentaire pour mieux comprendre. Pourquoi des citoyens accordent-ils leur confiance à l’extrême-droite et comment se maintient-elle au pouvoir ? Nous accompagnons la sortie en Provence-Alpes-Côte d’Azur de leur film, Mains brunes sur la ville (1).
Qui est Jacques Bompard ? Le « bon gestionnaire » devenu expert en fleurissement de ronds points, en animateur de lotos pour maisons de retraites, le défenseur des « gens d’ici » ? Ou bien l’idéologue xénophobe et autoritaire, formé à l’école des amis de l’OAS, d’Occident, d’Ordre nouveau, sans oublier celle du Front national qu’il a fondé au côté de Jean-Marie Le Pen ? Les deux mon capitaine ! Elu maire de justesse lors d’une triangulaire, il y a 17 ans, les Orangeois l’ont plébiscité à son poste en 2001 et 2008. Sa recette pour séduire ? Des baisses d’impôts médiatisées, une police municipale choyée, une présence de tous les instants en mairie, un soin minutieux apporté à sa clientèle électorale. Elu conseiller général, comme sa femme qui s’est emparée de Bollène en 2008, Bompard a tout, en apparence, du notable débonnaire et provincial.
Le programme de son micro-parti, La Ligue du Sud – qui pourrait faire passer celui du FN pour une bluette centriste – prouve pourtant qu’il n’a rien perdu de sa hargne. Son bilan donne un petit aperçu de la misère sociale et culturelle qui régnerait si l’extrême droite s’emparait d’un Département, d’une Région ou de l’Etat. Le système Bompard, c’est aussi une machine à exclure en opposant : les « chrétiens » aux « musulmans », les vieux aux jeunes, les affidés aux infidèles… Sa force est de savoir créer du vide en marginalisant toute opposition de gauche ou en amenant la droite « républicaine » à s’aligner sur ses propres obsessions. Thierry Mariani, le député UMP de la circonscription d’Orange et de Bollène, est l’un des créateurs de la droite populaire dont le fonds de commerce associe insécurité et immigration. Jacques Bompard est bien placé pour lui succéder lors des législatives en juin.
Alors qu’espérer ? A Bollène, ville populaire, avec Marie-Claude Bompard, moins habile, moins implantée, l’avenir semble plus ouvert. A Orange, tout semble verrouillé. A moins que, comme à Toulon, Vitrolles ou Marignane autrefois, le système ne s’effrite de l’intérieur. Il y a des signes avant-coureurs. Mis en examen pour prise illégale d’intérêts, Jacques Bompard et sa femme ont été sévèrement épinglés par un rapport de la Chambre régionale des comptes pour des « dépenses à caractère familial… » Tête haute, mains sales ?
Michel Gairaud