Bienvenue à Estrosiland !
« Nous ne sommes pas du tout dans le même cas de figure que la métropole Aix-Marseille, où beaucoup d’élus ont résisté alors que pour la métropole niçoise, la seule opposition, c’était nous », explique Patrick Allemand (PS), premier vice président du conseil régional Paca et élu d’opposition à la mairie de Nice [cet article a été publié eb décembre 2015 dans le Ravi n°135]. Nice Côte d’azur (NCA) voit le jour le 31 décembre 2011 et devient de ce fait la première métropole créée en France. Elle est présidée par Christian Estrosi (LR), député maire de Nice, ce qui lui vaut le surnom d’ « Estropole » ou « Estrosiland ».
La NCA est composée de 49 communes, soit 550 000 habitants, favorables à sa création. La plupart de ces communes ont moins de 1000 habitants et ont vu dans cette métropole l’occasion de transférer leur dette. A l’époque, le conseil général des Alpes-Maritimes donne son aval, contrairement au conseil régional qui prononce un avis défavorable dénonçant notamment « un manque de cohérence spatiale et économique qui ne permet pas de favoriser une solidarité financière ». La NCA compte 80% de zones rurales.
La métropole est endettée à hauteur de 1,12 milliards d’euros (avril 2015). « Notre président vit au dessus de ses moyens. La dette ne peut faire qu’augmenter, s’inquiète Patrick Allemand qui rebaptise Estrosi "l’Attila des finances". Et l’une des clefs, c’est la participation de la région à la ligne 2 du tram. » Soit un chantier de 770 millions d’euros (TTC) pour une ligne de tramway qui doit relier la ville de Nice d’Est en Ouest, du port à l’aéroport. Des plans qui ne cessent d’être modifiés, un tunnel à creuser (et son surcoût) pour remplacer le tracé avorté de la promenade des Anglais : le projet prend des allures d’Arlésienne. Une partie devrait finalement être en service en 2018, le reste en 2019. La participation de la Région est déjà de 26 millions d’euros auxquels la NCA souhaiterait une rallonge de 9 millions.
Estrosi, candidat aux régionales le déclare haut et fort, s’il quitte la députation et la mairie de Nice, il tient à rester président de la métropole (mandat non électif) : « Je veux garder ce lien entre la présidence de la Région et mon mandat municipal pour rester un des leurs parmi les leurs. C’est comme cela que je serai le plus utile à ma région. » (Public Sénat le 3 novembre). Pour Gérard Piel, conseiller régional et président du groupe Front de gauche, Estrosi a tout intérêt à porter la double casquette : « Il compte beaucoup sur l’argent de la région pour rééquilibrer la métropole. Il a refusé de signer le contrat de Plan 2015-2020 [Ndlr : Idem pour Eric Ciotti, président du Conseil départemental 06] car s’il devient président de région, il a pour ambition de le renégocier. On peut lui faire confiance pour que ce soit en faveur de la métropole. »
Une rallonge budgétaire pour finir la ligne de tramway, mais surtout pour financer l’aménagement de la Plaine du Var, « l’éco-vallée » niçoise. Jusqu’ici la Région a fait de la résistance notamment en refusant de participer au financement du stade Allianz-Riviera, d’un coût de 400 millions d’euros qui a d’ailleurs été épinglé par la Cour régionale des comptes pointant du doigt un projet surdimensionné et un partenariat public privé avec une filiale de Vinci « qui ne répondrait pas aux critères légaux ». Des perquisitions ont eu lieu en juin dernier.
Gérard Piel, en tant qu’élu régional FDG avec Patrick Allemand pour le PS et Annabelle Jaeger pour EELV, font partie du CA de l’établissement public d’aménagement (EPA) qui porte l’opération d’intérêt national (OIN) de « l’Eco-vallée », le grand projet «écologiconomique » d’Estrosi dans la Plaine du Var. « L’OIN n’a pour but que de permettre à de grands groupes internationaux de faire beaucoup d’argent », note Gérard Piel qui constate que si le projet promet de créer 50 000 nouveaux emplois, ce sont pour l’instant des entreprises comme Schneider qui « se délocalisent » simplement de Sophia Antipolis vers la Plaine du Var. Pour l’élu Front de Gauche ce projet n’est pas acceptable en l’état : manque de logements sociaux, disparitions des terres agricoles et installations d’entreprises privées au détriment du public…
« C’est une métropole unique en son genre puisqu’elle a la caractéristique de partir de 0 en altitude pour finir à 3 200 mètres, en haut du Mont Gelas, ironise Patrick Allemand. Le défi est de trouver une vraie identité économique pour ce territoire. » Pour lui ça passera par le développement du premier « smart parc européen », de Sophia Antipolis à la Plaine du Var, projet de Chistophe Castaner, candidat PS aux régionales qui souhaite transformer la Floride en rêve Californien !
Samantha Rouchard