Au nord, il y avait la Primaire
L’ambiance dans la salle de classe de l’école Rose Val Plan, dans les quartiers nord de Marseille, est conviviale au petit matin de ce dimanche 22 janvier : on y trouve beaucoup d’habitués qui se font la bise, l’accolade, demandent des nouvelles… La petite réunion de la famille PS pour la Primaire de gauche de la « belle alliance populaire » s’y déroule tranquillement, malgré la pluie et le froid. C’est ici que l’ensemble des électeurs du 13ème arrondissement sont invités à s’exprimer lors du premier tour de la Primaire. Côté organisateurs, on a prévu le café, les boissons fraîches : une atmosphère détendue avec beaucoup de militants PS et quelques bénévoles de dernières minutes contents de donner un coup de main…
Stéphane Mari, conseiller municipal d’opposition PS à la mairie du secteur tenue par Stéphane Ravier (FN), le sénateur maire d’extrême droite, est venu tenir un des bureaux et motiver les troupes. Ardent défenseur de Manuel Valls, il dénonce la division du parti sur « tous les sujets ». Et de filer aussitôt une métaphore familiale : « le PS est un couple qui reste ensemble juste pour s’occuper des enfants. Le problème, c’est que l’on a de moins en moins d’enfants ! » Stéphane Mari, proche de Sylvie Andrieux (la députée sortante de la circonscription, condamnée à un an de prison ferme pour « détournements de fonds publics »), explique aussi que la seule chance de faire barrage au FN et à la droite au niveau local c’est « le parachutage d’une personnalité du PS à Marseille ». Sur le plan national, pour lui, seule la ligne de Manuel Valls est susceptible d’emporter les élections présidentielles : « c’est l’unique candidat à défendre une identité, des valeurs ! »
Mais à midi, quand nous quittons la salle, la participation plafonne à 0,5 % ! En route pour le bureau de vote du 12eme arrondissement, dont une partie compose la 3ème circonscription. Il y a un seul bus pour s’y rendre : 50 minutes plus tard, nous y sommes. Les transports en commun, le dimanche à Marseille, c’est comme la participation à une primaire citoyenne socialiste : on se demande ou est passé tout le monde… A l’intérieur du gymnase de l’école primaire Beaumont, nous nous sentons immédiatement à l’aise : une rangée de radiateurs muraux projette une douce chaleur sur les visiteurs. Elodie, déléguée à la fédération socialiste des Bouches du Rhône, explique que c’est un technicien venu voter qui a gentiment proposé d’allumer ces radiateurs. Son candidat, c’est Peillon : « c’est le seul qui peut regrouper le gauche ! » Lorsqu’elle tractait pendant la courte campagne, Elodie parlait du bouclier fiscal qui « pourrait protéger les Marseillais contre une des taxes d’habitation la plus élevée en France » ou de la participation de l’Etat dans les maisons de retraites « qui coûtent l’équivalent de deux minima vieillesse ».
Toujours au nord de Marseille et dans la 3ème circonscription, mais cette fois-ci rue Boisselot, où se trouvent les bureaux de vote du 14ème arrondissement, un couple de militants socialistes de la première heure sort de l’école : « nous on vote socialiste depuis 1983 […] on est venu choisir Peillon car il a de la hauteur de vue et qu’il ne crache pas dans la soupe ! » Qu’est-ce qui a motivé cette autre citoyenne à venir voter malgré la pluie ? « Sûrement pas un politique ! », s’exclame-t-elle remontée contre « tout ces politiques qui s’accrochent à leurs mandats ». Plus loin une mère et sa fille soutiennent Hamon. La première vote PS depuis longtemps, la seconde suis la campagne sur Youtube et les réseaux sociaux. Pour les deux, Hamon représente la gauche, la jeunesse, les idées progressistes…
Beaucoup de votants ont eu le plus grand mal à trouver leurs bureaux de vote. « La mairie nous a accordé un certain nombre de lieux une semaine avant la date du départ, puis a changé d’avis » déplore une jeune socialiste, bénévole pour l’occasion. Difficile alors de trouver son bureau de vote surtout si ce n’est pas forcement celui où vous rendez d’habitude comme en témoigne cette prof de physique-chimie à la retraite : « le bus m’a laissée à 15 minutes du bureau de vote. Je ne connaissais pas du tout alors j’ai tourné un moment avant de trouver… »
Dimanche soir, malgré sa « déception par le résultat national », qui place Hamon largement en tête, Stéphane Mari se dit « satisfait du résultat sur le 13ème où Valls arrive largement en tête ». Le lendemain, lundi 23 janvier, alors que la polémique sur la fiabilité des résultats fait rage au niveau national, cela flotte au plan local. « Il n’y a personne pour l’instant pour vous communiquer des chiffres » explique-t-on benoîtement, en fin d’après-midi, à la fédération du PS des Bouches-du-Rhône. Sur son site, au même moment, La Provence ne donne à Marseille que les résultats de la 13ème arrondissement [503 voix pour Valls, 282 pour Hamon, 202 pour Montebourg, 72 pour Peillon, 13 pour Pinel, 8 pour Bennahmias]. Dans le cahier élection de son édition papier du 23 janvier, le quotidien régional précise que « les résultats ne présentent pas de caractère officiel ». Et se risque à donner des chiffres incomplets (mis à jour) sur le 14ème arrondissement (138 pour Hamon, 137 voix pour Valls, 106 Montebourg, 32 Peillon, 7 de Rugy, 8 Bennahmias, 4 Pinel. Pour le 12ème arrondissement, le mystère reste complet avec la mention « chiffres non communiqués » Mise à jour pour le 12ème: 129 voix pour Valls, 127 pour Hamon, 43 Montebourg, 34 Peillon, 1 Pinel, 12 de Rugy, 3 Bennahmias. Le Monde, lui, tout en alertant sur le caractère « non vérifiable » des résultats, communique des chiffres provisoires [Lundi 23 à 13 heures ] mais sur l’ensemble de la 3ème circonscription : Valls en tête avec 42 %, puis Hamon (29,5 %), Montebourg (17,3 %), Peillon (7 %), Rugy (2 %), Pinel (1 %) et enfin Bennahmias (0,9 %).
Quant au véritable taux de participation, dans la 3ème circonscription de Marseille comme ailleurs, il reste incertain. Mais une chose est sûre, dans les 13ème et 14ème arrondissements marseillais, il a été très bas. Un phénomène que Julien Rousset, délégué à la jeunesse pour le PS dans le 14ème arrondissement, explique ainsi : « notre électorat populaire ne s’est pas déplacé […] Les gens en ont marre, il y a un véritable ras le bol des pratiques clientélistes. C’est ce qui a amené Ravier à la mairie de secteur ! »
Alexandre Mathieu
Mise à jour le 26/01, avec les chiffres communiqués pas Mr Rousset.