Au FN, on ne tend plus le bras, juste la main !
Alors, viendra, viendra pas ? Tout le week-end, le suspense a plané autour de la venue de Jean-Marie Le Pen à l’université d’été du FN qui se tenait, cette année encore, à Marseille, ces 6 et 7 septembre. Au final, le « menhir » comme le surnomment ses soutiens, fondateur d’un parti dont il vient d’être exclu, n’a pas daigné pointer le bout de son œil au parc Chanot. Pas besoin : samedi et dimanche, au grand dam des frontistes et des dirigeants du parti d’extrême droite, il a été au cœur de toutes les discussions, de toutes les attentions.
Au point de sérieusement agacer Marine Le Pen : « Vous écrivez les épisodes d’un feuilleton que vous êtes les seuls à regarder », crache-t-elle aux journalistes osant, encore et toujours, l’interroger sur ses relations avec son père. Il faut dire que, dès l’ouverture de l’université d’été, il joue les trouble-fêtes.
Ainsi, avant le rassemblement « contre la montée des fascismes » en début d’après-midi place Castellane, alors qu’un collectif unitaire contre l’extrême droite organise, samedi matin, une conférence de presse devant la mairie du sénateur-maire FN Stéphane Ravier, dans les quartiers nord, Jean-Marie Le Pen, lui, tient dans une auberge perdue au fin fond du 13ème arrondissement, un déjeuner-meeting où il souffle le chaud et le froid. Car, si, d’un côté, il appelle à « l’unité », écartant l’hypothèse de mener une liste dissidente aux régionales en Paca, il n’en annonce pas moins la création de son propre mouvement.
Ce n’est pas la « Force Nationale Lepéniste » -FNL…- comme le suggère un ancien de l’OAS, André Toise, co-fondateur du FN à l’entrée du meeting mais le « Rassemblement Bleu Blanc Rouge », comme l’annonce le patriarche devant 300 fidèles. Un assemblage hétéroclite de vieux frontistes ne supportant pas la mainmise sur le Front des « mignons » (non, il ne s’agit pas des petits personnages de synthèse…), d’anciens du DPS (le service d’ordre du FN) n’ayant guère goûté la dérive « à gauche » du parti d’extrême droite mais aussi des militants de divers groupuscules, comme la Ligue du Midi ou encore une importante délégation du Parti de la France de Carl Lang.
Pas de quoi inquiéter Ravier : « S’il y a une liste en Paca sans Jean-Marie Le Pen à sa tête, ce ne sera pas une liste dissidente, ce sera une liste ridicule. On a tout simplement affaire à une assemblée hétéroclite de personnes qui ne sont réunies que par une seule chose : le « tout sauf Marine »… » Reste que, comme le reconnaît Gilbert Collard, « ce serait mentir que de ne pas reconnaître qu’en Paca, on est dans une région particulièrement sensible au discours traditionnel d’un Jean-Marie Le Pen ».
Alors, même si, à l’entrée de cette université d’été, on a pu voir une mère de familles avec ses deux enfants s’amuser avec un nounours auréolé sur son ventre de la flamme tricolore, si, sur les stands, on préfère vanter la « francophonie », l’écologie ou la « rondeur » d’une « cuvée Front National » avec la trogne de Marine Le Pen sur l’étiquette, à la tribune, Florian Philippot, le vice-président du FN, artisan de l’exclusion du « patriarche », a tenu un discours particulièrement musclé mêlant les thématiques traditionnels du Front, « immigration », « communautarisme », « insécurité »…
Commentaire d’un vieux militant grenoblois : « C’est un discours qu’aurait pu prononcer Jean-Marie Le Pen. Et l’éviction de ce dernier n’y est pas pour rien. Ce discours est loin d’être habituel de la part de Philippot. Mais il sait qu’il y a une place à prendre. Et qu’avec l’exclusion de Jean-Marie Le Pen, il s’est particulièrement exposé. Il faut donc qu’il donne des gages. »
Car, comme le dit Ravier, « vous savez, d’un point de vue idéologique, le FN n’a pas véritablement évolué ». Confirmation avec une université d’été quasi exclusivement tournée autour de la question « migratoire ». Emblématique : dans son discours, Marion Maréchal (nous voilà) Le Pen, comme Louis Aliot quelques minutes auparavant, cite… Bernanos. Et répond à la « main tendue » de son grand-père en se disant prête à accepter sur ses listes certains de ceux qui ont osé dire leur préférence pour le FN « canal historique ».
Ce qui ne sera pas simple : « Certes, c’est un détail dans l’histoire du FN mais certains sont allés trop loin, siffle Ravier. Comme Laurent Comas. Il a osé me traité de « petit Benito ». Non seulement, je ne suis pas petit. Mais je n’ai jamais été de gauche ! » En tout cas, ce week-end, à Marseille, « capitale du Front » dixit Jean-Marie Le Pen, à l’extrême-droite, entre deux outrances, on aura soufflé le chaud et le froid et joué, à la veille des régionales, l’apaisement. La politique de main tendue, en quelque sorte. Et c’est bien connu, pour saisir une main, il faut souvent tendre le bras. Une vieille habitude à l’extrême droite…
Sébastien Boistel