Vidéosurveillance, en avant toute !
1 000 caméras dans le centre-ville de Marseille en 2015. 50 fois plus qu’aujourd’hui ! Voilà le projet à 9 millions d’euros que dégaine Jean-Claude Gaudin. Première échéance, l’installation de 300 nouvelles machines, en plus de la vingtaine déjà en place, de la Joliette à La Canebière en passant par la rue de la République et le Cours Julien. Les récents faits divers et la venue du ministre de l’Intérieur Claude Guéant, avec son lot d’annonces fracassantes, ont accéléré le mouvement : l’Etat devrait financer la moitié du dispositif.
Tout a commencé, il y a 8 ans, avec l’installation de 5 caméras dans le quartier Noailles. Pour quel bilan ? Aucun rapport n’a été publié. « Comment peut-on savoir si un dispositif est efficace si aucune évaluation n’est rendue publique ?, argue Damien Brochier, membre du collectif "Noailles, ombre et lumière". Au-delà du problème de liberté individuelle, l’enjeu est celui du contrôle des politiques publiques et du rapport coût-efficacité d’un système. » A l’image de ce qu’a fait Lyon, il attend toujours un collège d’éthique, annoncé en 2007, qui pourrait recevoir les doléances des citoyens. En attendant, sous l’œil des caméras, le macadam est toujours jonché de détritus et les vendeurs de cigarettes à la sauvette, fidèles au poste.
Il existe bel et bien un rapport, réalisé par le cabinet d’études Suretis en 2003 et gardé secret par la mairie, mais dont les grandes lignes ont fuité en 2008 dans La Marseillaise : « à une exception, toutes les personnes rencontrées qu’elles soient « pro » ou « anti » vidéo (…) jugent la vidéosurveillance inefficace. » Par ailleurs, il a clairement été établi que des caméras n’étaient pas reliées au centre de visionnage. Entre les frais d’installation et les coûts de fonctionnements, au moins 560 000 euros ont pourtant été dépensés par la municipalité depuis le début. Un nouveau centre qui comptera une vingtaine d’agents doit être installé boulevard Salengro. 10 fois plus d’agents pour, à terme, 50 fois plus de caméras…
La vidéosurveillance a-t-elle permis d’élucider quelques affaires ? Oui mais de manière « très marginale » affirme Diego Martinez, délégué syndical UNSA Police à Marseille. « Les moyens actuels ne sont pas suffisants et l’information n’arrive pas assez vite. En l’état, la vidéosurveillance ne permet pas d’empêcher les actes délictueux d’être commis », poursuit-il. Avant de dénoncer le manque de moyens sur le terrain – la deuxième ville de France se classe à la 35ème place des effectifs de police…
Comme en 2007, les conseillers d’opposition socialistes s’apprêtent à approuver l’extension du dispositif. Ils verraient même d’un bon œil des caméras dans les quartiers périphériques. « Marseille a besoin d’un rétablissement de l’ordre urbain, assène Patrick Mennucci, le président du groupe PS. Les caméras situées sur les grands axes du centre-ville pourront bientôt envoyer des PV automatiquement et mettre fin à l’anarchie automobile. » Plus les caméras sont éloignées du centre de visionnage, plus les coûts d’installation sont élevés. Alors, encore une fois, quelle addition et pour quels résultats ? Peu importe tant que les sondeurs attestent que la population approuve… « Dans une société où l’image est reine, les citoyens ne se sentent même pas concernés pour évaluer comment on dépense leur argent ! », conclut, acerbe, Damien Brochier.
Clément Chassot