Venelles, conseil municipal du 14 novembre 2006
18h40 Avec 10 minutes de retard, élus et public investissent la petite salle du conseil municipal. La séance affiche complet.
18h46 L’appel à peine terminé, Danièle Caille pose l’ambiance. Furibarde, l’ancienne conseillère de la majorité, entrée en dissidence en 2003 en compagnie de quatre autres colistiers de Jean-Pierre Saez, dénonce une rumeur l’accusant d’avoir envoyé ses enfants en sous-marin à une réunion des « Amis de Nicolas Sarkozy », association présidée par le maire. « Je ne vois pas de quoi vous voulez parler », s’indigne ce dernier. Et de rappeler, avec un sens certain de l’anticipation, à l’intention des conseillers qui commencent à s’agiter : « Je vous demanderais d’éviter de faire du brouhaha au moment des votes, ça gêne le secrétaire de séance ». 18h50 « Il est particulièrement agressif ce soir », note, perspicace, un Venellois en voyant Jean-Pierre Saez s’exciter sans véritable raison sur Claude Bouillet, conseiller d’opposition de la liste Vivons Venelles (dissidente de l’ancienne majorité socialiste).
18h55 « Je veux faire une déclaration au nom du groupe UMP et de membres de la majorité », annonce Robert Chardon, adjoint aux finances, pendant que Jean-Pierre Saez toise son opposition d’un regard inquisiteur, les coudes sur sa table et ses deux mains posées en triangle devant sa bouche. En guise de « déclaration », l’adjoint se lance dans un véritable réquisitoire contre Pierre Morbelli, ancien maire PS de 1989 à 2001 et chef de file de l’actuelle opposition socialiste : « Vous venez d’être renvoyé en correctionnelle [le 25 octobre, sur plainte de la mairie, pour avoir bénéficié indûment de personnels et de largesses de la SAUR, l’ancienne société délégataire de la gestion des eaux de la ville, elle-même mise en cause, Ndlr] après avoir été condamné pour escroquerie en 2003. Vous jetez l’opprobre sur cette assemblée, est-ce que vous allez démissionner ? » Puis, après quelques nouvelles piques, en procureur, il conclut : « Est-ce là votre conception de l’idéal socialiste ? »
18h58 Jean-Pierre Saez, l’air satisfait, se tourne vers son prédécesseur : « M. Morbelli, vous avez la parole ». Sosie de Donald Sutherland, la barbe en plus et les cheveux en moins, ce dernier attaque sa plaidoirie, avant de l’abandonner au bout de quelques instants. Excédé par l’attitude railleuse de son successeur, il prévient : « Ton sourire narquois n’arrange rien. Tu veux ma mort politique, mais ce n’est pas toi qui me mettras sur l’échafaud ! » Un peu moins arrogant, il tente finalement de convaincre : « J’ai fourni l’ensemble des factures et des chèques correspondants. Quant aux employés de la SAUR, ils avaient leurs bureaux dans la mairie pour des raisons pratiques, mais étaient employés et payés par elle ». Et de conclure, la main (presque) sur le c?ur : « Je suis serein et je ne démissionnerai pas. On me reproche un tas de choses, mais je peux jurer sur l’honneur… » Les exclamations d’indignation de la majorité et d’une partie du public ne lui laisse pas l’occasion de finir…
19h09 Jean-Pierre Saez pose ses mains sur sa table et explose : « Vous vous drapez dans un espèce d’indignation, mais l’enquête a démontré le contraire de ce que vous affirmez ! Aujourd’hui, il ne s’agit plus de savoir si vous êtes innocent ou coupable, mais de savoir quelle sanction va vous être appliquée ». « S’il y en a une », rétorque du tac au tac, mais la voix basse, son prédécesseur.
19h18 Ulcérée par le maire qui canarde désormais toute l’opposition, Danièle Caille menace de quitter le conseil. Grand seigneur, Pierre Morbelli la rattrape : « Je suis resté, tu ne vas pas partir ». L’élue obtempère.
19h27 Cédant à Evelyne Coursol (Liste « Venelles pour vous », PS) et Serge Briançon (liste Vivons Venelles), qui viennent successivement de lui demander d’attaquer l’ordre du jour, Jean-Pierre Saez se fait tout à coup conciliant. Mais provoque très vite l’hilarité de ses opposants en précisant : « J’aime pas la polémique ». Piqué au vif, il déclenche un nouveau tir groupé contre son opposition.
19h30 Jusque-là impassible, Georges Bianchi, autre dissident, s’en prend à son tour au premier magistrat. « Je ne fais pas parti de la bande à Morbelli, je suis en procès pour diffamation avec vous et je demande que le conseil enregistre ma démission », annonce mollement l’ancien conseiller de la majorité tout en restant, lui aussi, à sa place. Loin de ramener le calme, sa sortie offre enfin quelques munitions à l’ancien maire. « Tu focalises sur moi, mais tu oublies de parler de tes procédures avec tes anciens amis », se gargarise Pierre Morbelli. « Vous êtes un justiciable ! », tonne, acculé, son successeur.
19h32 Le regard toujours noir, Jean-Pierre Saez annonce la première délibération, laisse Robert Chardon, la lire, puis questionne : « Des observations ? » En maître des lieux, Pierre Morbelli demande la parole d’un claquement des doigts hautain et attaque le projet de remplacement d’une canalisation de distribution d’eau. « Quand on voit la facture de 600 000 euros pour trois personnes qui ont construit en haut de la colline, c’est fort de café », persifle l’ancien maire.
19h48 Alain Fauris (Venelles pour vous) s’installe dans les rangs de l’opposition pendant que les conseillers de la majorité, dans une sympathique ambiance de kermesse, qui ne faiblira plus, entament un défilé d’allers-retours à l’extérieur de la salle.
20h29 Alors qu’une légère accalmie s’est installée à l’occasion d’une délibération portant sur la suppression des postes non pourvus, Claude Bouillet décide de souffler sur les braises. Poursuivant la stratégie d’opposition de principe, et pas toujours lisible, établie par Pierre Morbelli et Serge Briançon, il demande, faussement ingénu : « Vous n’en garderiez pas quelques-uns en réserve, juste pour le plaisir ? » Immédiatement Jean-Pierre Saez cogne : « Certains soupçons sont consommés. Je vous conseille d’aller au club du 3e âge ! » « Je voulais juste être sûr », sourit l’élu de la Société civile.
20h34 Jean-Pierre Saez annonce avec délectation que la délibération 6 portera sur la restauration scolaire, puis se remet à l’affût. « Il va encore dire des conneries », annonce Pierre Morbelli, au milieu des exclamations satisfaites du public.
20h36 Profitant des remarques d’Evelyne Coursol, qui s’étonne de la modification apportée à la délibération, le maire explose une nouvelle fois : « Il y en a qui affirment ?uvrer dans le sens de la commune et qui passent des coups de téléphone en douce ! ». Et de s’écrier, debout et en tapant du poing sur la table : « Tu bernes les gens ! Voilà ce qu’écrit la directrice de la DSV [Direction des services vétérinaires, Ndlr] : « La cuisine Cabassols n’est pas aux normes ». « Et tu veux savoir ce qu’elle m’a dit ? », poursuit Jean-Pierre Saez qui, sans attendre de réponse, tonne : « Elle a fonctionné de 97 à 2001 de manière sauvage ! »
20h44 « Réponse facile », assure Pierre Morbelli, avant d’interroger : « Est-ce que la commune a reçu avant 2001 une demande ou un avis de la DSV ? » Ignorant la question, Jean-Pierre Saez repart de plus belle : « Tu dis n’importe quoi : Je dis que monsieur Morbelli a menti ! »
20h46 Pantois devant la virulence de son maire, un Venellois lâche : « Il est fou ce mec ? »
21h05 A Sylvie Lefebvre, conseillère de droite, qui lui demande pourquoi il n’a pas abandonné la cuisine en question à son arrivée au pouvoir, Jean-Pierre Saez rétorque : « Elle fonctionnait de manière sauvage, comme partout dans les Bouches-du-Rhône, à cause d’un problème d’adaptation aux normes européennes ». Immédiatement, Pierre Morbelli lui saute dessus : « Et pourquoi tu m’accuses à moi ? » Nouvelle question sans réponse.
21h09 Ulcérée par le premier magistrat, qui l’accuse de « faire de tous les sujets un débat politique », Evelyne Coursol se lève, commence à ramasser ses affaires et annonce : « Allez va, je m’en vais. Je ne vote plus avec des pingouins ! » Et de pester, fort à propos : « On fait rire tout le monde ». Comme ses partenaires de l’opposition, elle se rassoit.
21h25 Intarissable et toujours aussi dédaigneux, le maire se gausse de son opposition qui conteste sa décision de mettre la restauration scolaire de la ville en affermage pour trois ans. « C’est quand même curieux que ce ne soit pas nous qui nous lions pour 10 ou 15 ans à des grands groupes dont l’intérêt est la rentabilité maximale », insiste Jean-Pierre Saez.
21h43 Satisfait et rassasié, mais sans attendre que le rideau soit tiré dans les règles, le public se lève et quitte la salle.
Jean-François Poupelin