Une situation migratoire complexe

avril 2006
Sociologue, chercheur au CNRS, Christian Rinaudo est co-auteur d'un rapport sur la « mise en image et mise en critique de la Côte d'Azur ». Il évoque l'identité niçoise...

Existe-t-il réellement une identité niçoise ?

La question de l’identité locale se pose très différemment d’une ville à l’autre. A Marseille, elle passe à travers une problématique de la diversité, dans laquelle sont intégrés les apports migratoires. Ce qui fait qu’on peut s’y revendiquer avant tout Marseillais. A Nice, seuls des microcosmes identitaires ont cette démarche. Ici, les migrations ont également un poids démographiquement important. On y retrouve différentes origines, notamment tunisiennes, marocaines et algériennes, mais la diversité n’est pas revendiquée. Par contre, l’identité est très en lien avec d’autres étrangers, ceux qui ont forgé la Côte d’Azur et le tourisme : le cosmopolitisme aristocratique d’abord, celui mondain ensuite. Les migrants qui venaient s’installer d’abord l’hiver, ensuite l’été, ignoraient tout de la société locale. Cette dernière s’est constituée une identité dans une réaction de rejet. Malgré le poids du tourisme, cette forme de réaction identitaire a aujourd’hui presque disparue. Elle est désormais, je le répète, le fait de groupuscules. Et c’est une tendance, que l’on retrouve aussi dans d’autres régions françaises, liée à la mondialisation notamment culturelle. Ce qui caractérise vraiment Nice, c’est une situation migratoire complexe. Car si elle accueille une importante population immigrée de main d’?uvre, beaucoup d’ingénieurs anglo-saxons, avec Sophia Antipolis par exemple, viennent aussi s’y installer…

Comment sont accueillis les nouveaux arrivants ?

Les Anglo-Saxons entraînent une reconfiguration de certains quartiers comme le vieux Nice. Ils permettent la structuration de nouveaux lieux, notamment nocturnes. Mais cette sorte de « communautarisme » ne déclenche pas des réactions particulières de la part de la société locale. Quant aux migrants français, ils n’expriment pas de demandes singulières et n’imposent pas de nouvelles formes d’organisation.

On s’intègre donc assez facilement à Nice ?

Oui, parce que cette question n’a jamais surgi violemment dans l’espace public. Non, parce que la situation concernant les populations d’origine maghrébine est loin d’être parfaite. Sans parler de ségrégation, la municipalité pratique une logique de mise à distance du centre touristique de ces populations vivant dans les quartiers un peu excentrés de la ville. Il n’y a plus de discours contre l’immigration, comme à l’époque Médecin. Mais il n’y a pas non plus de volonté de mettre en oeuvre une politique intégrationniste. Finalement, tant que ces populations restent loin de la ville touristique, tout va bien. Le phénomène est particulièrement visible l’été à travers la manière dont on empêche les jeunes de sortir de leurs quartiers. Sans les boucler, les barrages de police qui s’y installent ne les incitent pas à en sortir ! Cette histoire se répète d’ailleurs pour les marginaux puisque, « par hasard », l’arrêté anti-mendicité adopté par la municipalité ne concerne que le territoire touristique de la commune.

Que penser de la mauvaise réputation de la ville ?

Si le clientélisme est une réalité, à trop focaliser dessus, on crée un stéréotype. Essayons d’en sortir ! La multiplication des dossiers sur ce sujet finit par être stérile. De même, sur le plan international, la réputation de Nice se résume souvent exclusivement au tourisme. Cette double identification au clientélisme et au tourisme est pesante pour la population locale.

Propos recueillis par J-F P.

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