Une initiative très populaire
Saint-Rémy-de-Provence, petite ville de 9500 habitants au c?ur des Alpilles provençales. Ses rues typiques, ses vestiges gallo-romains, sa campagne verdoyante où Vincent Van Gogh a peint plus de 150 toiles. Et, désormais, son référendum d’initiative populaire ! L’évènement – une première en France – a eu lieu le 25 avril 2004 sous le regard attentif de la presse et de toutes les télévisions. Enjeu de la consultation ? La construction d’une école neuve à l’extérieur de la ville et la destruction de l’ancienne bâtisse. La moitié des inscrits sur les listes électorales se sont déplacés et ont rejeté à 76 % cette option pourtant défendue avec vigueur par le maire (UMP), Lucien Pallix. L’homme qui a mené la bataille et qui en a tiré un indéniable bénéfice politique ? Hervé Chérubini, l’ancien maire (PS) de Saint-Rémy. Dix mois après les faits, dans son bureau de conseiller général à l’Hôtel du département, il revient volontiers sur l’histoire qui a fait de lui – un peu par conviction, un peu par hasard – un pionnier de la démocratie participative. Au commencement, il y a la vieille école dite « de la République » construite en 1869 au centre de la ville. « Avec son fronton traditionnel, sa façade à la Charles Trenet. Un lieu très investi affectivement par la population mais nécessitant des travaux lourds pour le remettre aux normes actuelles. Le maire, Lucien Pallix, m’a largement battu aux élections municipales en 2001 en promettant la rénovation de cette école et en dénonçant, à juste titre, mon bilan qui n’était pas bon sur ce dossier. Nous avions trop tardé à engager des travaux. » Mais une fois élu, le nouveau maire, après une période d’attente, annonce finalement son intention de promouvoir un autre projet : la construction d’une école neuve à l’extérieur du village et la destruction d’une partie de l’ancien bâtiment pour aménager un parking. « Très vite nous avons sentis que la population, les commerçants, les parents d’élèves, les anciens de l’école, n’approuvaient pas sa fermeture. Nous avons voté contre mais le projet avançait malgré tout. Que faire ? » Les élus de l’opposition exhument alors l’article 2 142 alinéa 3 du code général des collectivités territoriales voté à l’initiative en 1995 de… Charles Pasqua. Personne n’en avait jusqu’alors fait usage avec succès. Il prévoit que si une pétition recueille, sur un sujet d’intérêt local et à certaines conditions, la signature d’au moins 20 % des inscrits, le conseil municipal d’une commune doit se prononcer sur l’organisation d’un référendum.
« Avec ton truc, tu va semer la panique, il va y avoir des référendums partout, on ne pourra plus défendre certains projets impopulaires mais utiles » Des conseillers généraux à Hervé Chérubini
En septembre 2003, l’opposition présente une liste de 2173 signatures réclamant l’organisation d’un référendum sur l’école. Elle est refusée car les noms de jeunes filles des femmes mariées ne sont pas indiqués ! Deux mois plus tard, la liste comporte 2800 noms, soit près de 30 % des inscrits. « Le maire aurait dû reculer, comme nous le lui proposions, devant un pareil résultat. Il a préféré organiser le référendum, ce que la loi n’oblige pas, à condition que ce soit après les élections cantonales. Nous avons accepté. Il a perdu les cantonales, qu’il croyait gagner, et dans la foulée le référendum ! » Qui a l’effet d’un petit séisme politique. Hervé Chérubini est réélu au Conseil général. Battu, Lucien Pallix retire son projet de nouvelle école et annonce sa démission. Que le préfet refuse. Depuis, l’opposition a démissionné en guise de protestation et une partie de la majorité conteste son maire ouvertement. « Il y a certainement eu des pressions politiques pour retenir le maire. Mais, surtout, le préfet ne voulait pas qu’il claque la porte après le référendum par crainte d’un effet d’entraînement, pour ne pas donner l’envie à toutes les oppositions de France d’organiser ce genre de consultations. » Bilan de l’expérience ? Pour ce qui est de l’école, quelques petits travaux ont été programmés mais sa rénovation reste suspendue. « Sur un plan personnel, bien sûr, je dois reconnaître que j’ai tiré profit de cette histoire. Mais sans ce référendum, aujourd’hui, Saint-Rémy aurait dépensé plus de six millions d’euros pour construire une école dont personne ne veut. Quant à la confusion politique qui règne dans la ville, le référendum n’a eu qu’un effet de catalyseur. Il ne l’a pas créé. Le maire lorsqu’il a voulu démissionner a évoqué lui-même des tensions internes à sa majorité. » Depuis cette histoire, une vingtaine de personnes séduites par son expérience ont appelé Hervé Chérubini pour prendre conseil… Parmi les situations évoquées : un maire qui veut construire une grande surface sans concertation, un autre qui rêve d’un gigantesque centre de thalassothérapie, un troisième qui veut emménager un lotissement qui doublerait la population de la commune… « Le référendum doit rester un recours, une solution pour pointer une dérive entre le programme pour lequel un maire s’est fait élire et ce qu’il réalise en définitive. Certains collègues au Conseil général m’ont dit : « Avec ton truc, tu va semer la panique, il va y avoir des référendums partout, on ne pourra plus défendre certains projets impopulaires mais utiles. » Je ne crois pas. D’abord, ce n’est pas facile de réunir le nombre nécessaire de signatures. Et puis, je suis convaincu que lorsqu’une idée est bonne, bien expliquée, nos concitoyens peuvent comprendre et approuver des décisions difficiles. » Si, un jour, il est réélu maire, Hervé Chérubini n’exclut pas qu’un référendum soit organisé sur sa commune…
Michel Gairaud