Un mémorial, des mémoires
3624 m2 de surface utile, cinq niveaux, un centre de ressource, une salle de conférence de 200 places… Jamais avare d’effets de manche, Jean-Claude Gaudin a convoqué la presse pour annoncer la pose de la première pierre, boulevard Rabatau dans sa bonne ville de Marseille, du futur « mémorial national de l’outre-mer »… en octobre 2005 ! Si tout va bien, il faudra tout de même attendre début 2007 – année électorale – pour que l’équipement ouvre ses portes. Son objectif selon l’édile : rendre compte « avec honnêteté et rigueur » de l’histoire et de la mémoire de la colonisation et de la décolonisation… Le projet traîne en réalité dans les cartons depuis 1983. Gaston Defferre, alors ministre de l’Intérieur, avait même bloqué cette année là 30 millions de francs pour le faire aboutir. Paris, Avignon, Nîmes, Nice et Béziers étaient sur les rangs pour accueillir le mémorial. C’est donc Marseille qui décroche le pompon ! La question des finalités du projet a été débattue avec vigueur dés le départ. En 1993, l’historien Jean-Jacques Jordi évoquait une « querelle entre les Anciens et les Modernes ». Pour la plupart des associations de rapatriés, le mémorial devait être « un hommage mérité aux bâtisseurs de l’empire colonial français ». A l’inverse, les « modernes » réclamaient un « centre culturel et artistique ». Petite ruse de l’Histoire : le dit Jean-Jacques Jordi a été depuis désigné directeur du futur mémorial !
« Il ne s’agira pas de faire le procès de la décolonisation ni à charge, ni à décharge, explique-t-il aujourd’hui au Ravi. Nous allons tenter de faire ?uvre d’historien en répertoriant les marques, positives et négatives, de la présence française dans l’ancien Empire et ce qui fut l’Outre-Mer ». L’Algérie occupera une place centrale « parce que c’est là que la France a laissé le plus de marques ». De nombreuses associations de rapatriés ne trouvent toujours pas leur compte dans ce projet. De fait, leur place a été réduite au minimum au sein du conseil scientifique d’un mémorial qui ne sera pas, au final, un centre culturel pied noir. « On cherche à fabriquer, pour des générations de visiteurs, une mémoire collective simplifiée en accord avec l’idée des peuples en lutte pour leur libération », proteste, par exemple, Evelyne Joyaux, présidente du cercle algérianiste à Aix en Provence, membre du Haut comité des rapatriés. « L’attente légitime des rapatriés est sentimentale, affirme Jean-Jacques Jordi. Mais on ne pourra pas, par fidélité à l’histoire, exaucer tous leurs v?ux. L’Algérie est en partie la création de la France, mais en partie seulement. Son histoire ne se résume pas à celle des pieds noirs ».
M.G.