Silence, on manifeste !
En face de la rotonde, juste à l’entrée des allées provençales, le mail commercial du quartier sextius Mirabeau, ils sont plus de cinquante à se mettre en place ce samedi 11 avril. A 11h30 précises, sur un simple geste de Benoit Dosquet, les manifestants, en grande majorité des personnes qui ont atteint l’âge de la retraite, se placent pour former un cercle. Sept pancartes sont brandies où l’on peut lire « Sans papiers mais pas sans droit », « La dignité de chaque personne ne se discute pas, elle se respecte », « Le silence pour crier notre indignation », « la solidarité n’est pas un délit ». Durant une demi-heure, le cercle grossit progressivement d’une trentaine de passants qui se joignent spontanément au cercle. A midi, le maître du temps, comme se définit Benoît Dosquet, rompt le cercle d’un geste anodin. Même durant la dispersion, on entendrait une mouche voler. Un travail finalement pépère pour les deux motards de la police nationale chargés de la surveillance de cette manifestation de protestation.
« Faire changer cette loi qui fait honte à la France »
« Nous reprenons l’initiative des frères franciscains de Toulouse qui ont inventé cette forme de manifestation en octobre 2007, précise Benoit Dosquet, religieux belge arrivé voici quatre ans dans la cité du Roi René chez les missionnaires oblats, un ordre fondé à Aix-en-Provence par Eugène de Mazenod en 1816. Le silence nous permet d’entrer en communion avec ceux qui œuvrent au quotidien avec les sans-papiers. Mais attention ! Notre mouvement n’est pas religieux, il est ouvert à tous. » Joignant le geste à la parole, Benoit Dosquet tend le tract qu’il a distribué aux passants et liste les associations qui participent au mouvement des cercles de silence : le réseau d’éducation sans frontières, la ligue des droits de l’homme, Amnesty International, Attac, la Cimade se retrouvent aux côtés du Secours catholique, d’Emmaus Plan de Campagne, la pastorale des Migrants, l’Eglise réformée de France, Aix solidarité.
De fait, les mouvements chrétiens sont bels et bien majoritaires dans ces manifestations d’un genre nouveau qui se sont répandues comme une traînée de poudre dans toute la France. On compte aujourd’hui des cercles de silence dans plus de 100 villes France. En Paca, outre Aix, on en retrouve, à date fixe, à Marseille (13), Salon-de-Provence (13), Avignon (83), Toulon (83), Draguignan (83), Manosque (04), Forcalquier (04), Digne (05), Gap (05), Nice (06) et même à Cannes (06) !
« Ils font un travail de sensibilisation de la population sur le sort des sans-papiers, estime Nathalie Crubezy, qui travaille à la Cimade à Marseille. Et vu la situation dans laquelle nous sommes, on a besoin de tout le monde pour faire évoluer les mentalités et faire changer cette loi qui fait honte à la France. » Message entendu par Delphine, une passante aixoise qui s’est arrêtée 10 minutes au cercle. « Je ne connaissais pas ce genre de manifestation, mais quand j’ai vu la pancarte « allez voir Welcome », j’ai décidé de m’arrêter ». Le cinéma, aussi, peut transcender les âmes.
Jean Tonnerre