Scénario jackpot économique : Un remède à la crise ?
En 2005, lors de l’épidémie de grippe aviaire, Delta Plus avait touché le jackpot : 40 millions de masques jetables vendus, 10 millions d’euros de gains (1). Avec la grippe A qui se profile, ce spécialiste de la protection individuelle installé à Apt (84) se frotte les mains. Comme le révélait dans son édition du 19/08 Le Canard Enchaîné, les masques FFP2 ont pris un coup de chaud cet été : la boîte de 20 est passée de 9,80 Euros à 14,90 Euros (2).
Delta Plus n’est cependant pas la seule entreprise de la région à espérer une pandémie. Certaines agences d’intérim ont également ce virus. Chez Adecco Transport de Nice, sous couvert d’anonymat, un commercial assure qu’il n’y a « aucune réflexion concernant une influence possible de la grippe A » sur l’activité de l’entreprise. A l’inverse, autour de la zone industrielle de l’étang de Berre dans les Bouches-du-Rhône, la multiplication annoncée des arrêts maladie ferait presque plaisir. « L’augmentation du chiffre d’affaire est une possibilité », reconnaît une cadre d’Asdiso Vitrolles. Avant de tempérer : « Pour l’instant, on n’a aucune visibilité. On ne peut donc pas anticiper. Mais c’est notre boulot de gérer les urgences des entreprises. » Tant qu’il y a des malades déclarés, il y a de l’espoir…
Autre profession promise à « gérer des urgences », les assistantes maternelles. Mi-août, Luc Chatel, nouveau ministre de l’Education, a ainsi annoncé la fermeture des classes à partir de « trois cas de syndromes grippaux constatés en moins d’une semaine ». Les nounous vont-elles augmenter leurs tarifs comme les fabriquants de masques ou de gels antiseptiques ? Multiplier les gardes ? « Non », assure catégoriquement Michelle Montigny, coordinatrice de Relais d’assistances maternelles à Villeneuve-les-Avignons. « Nous sommes en pleine réflexion sur le sujet, mais je pense que si les écoles sont touchées, les assistantes le seront également. On ne va donc pas décider de leur en donner plus. La préconisation devrait être de responsabiliser les parents, de les encourager à privilégier le cocon familial », explique l’infirmière puéricultrice.
« Une personne grippée ne mangera pas des pizzas pendant six jours ! »
Même barricadé, tout ce beau monde va quand même devoir se nourrir, reprendre des forces. Les entreprises de restauration livrée vont-elles se goinfrer ? Encore manqué. « Un accroissement de notre activité ? C’est une question à laquelle on n’a pas pensé. Entre nous, on parle plutôt d’une baisse. D’autant qu’on risque de se retrouver confronté à des problèmes d’approvisionnement. La pizzeria du coin ne fait pas vraiment partie des établissements prioritaires », explique Dominique Bénézet, secrétaire général du Syndicat national de l’alimentation et de la restauration rapide. Et de rigoler : « Un livreur avec un masque, ça n’est pas vraiment sexy ! Et puis, je ne pense pas qu’une personne grippée mange des pizzas pendant six jours ! Le jour où il y aura pandémie, les gens seront plutôt à vérifier que leur congélateur est plein. »
Une piste ? Plombée selon elle par la crise, malgré ses confortables marges arrière, la grande distribution va-t-elle relancer la marche en avant de ses bénéfices avec ses services de livraison à domicile et ses magasins en ligne ? Les groupes Géant Casino et Monoprix n’ont pas été en mesure de répondre au Ravi : en cette pré-rentrée, pourtant décisive pour leur chiffre d’affaire, directeurs de magasins et services de presse étaient curieusement soit en vacances, soit introuvables. En même temps, les pandémies, c’est comme les inondations au Bangladesh, ce sont toujours les mêmes qui en profitent…
Jean-François Poupelin