Scénario catastrophe: La vie en vieux
« Les 65 ans et plus ont vraisemblablement rencontré une partie de ce virus. Ils résistent mieux que les trentenaires, qui offrent un terrain complètement vierge. » Fin août 2009 (1), le professeur Philippe Brouqui, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Nord de Marseille, n’imagine certainement pas à quel point son diagnostic s’avère prophétique. Moins d’un an plus tard, ce mois de juillet 2010, le pire des scénarios est bel et bien en place : les vieux sont désormais majoritaires en Paca !
C’est au sortir de l’hiver que les premiers signes sont apparus. L’impression d’un certain ralentissement du rythme des villes, l’accordéon d’Yvette Horner ou la voix de Tino Rossi qui sortent des cafés, la modification des programmes télé. Des détails significatifs : la StarSeniors à la place de la Nouvelle Star, avec Dick Rivers en maître de cérémonie (2), Inspecteur Derrick au lieu des Experts, la rediffusion de l’enterrement de Lady Di, etc.. Sans oublier Jean-Pierre Pernaut en continu : sur toutes les chaînes et toutes les radios locales à 13h et 20h ! Bien sûr, Michel Drucker a succédé à… Michel Drucker.
Quelques rumeurs courent également de représailles dans les quartiers populaires. A l’Ariane, dans les quartiers Nord, des vieux se vengeraient en squattant les halls des immeubles. Certains parlent même de concours de glandouille sur les bancs publics ! De nuits entières de papotage et de radotage, de familles et d’ados épuisés. Infos jusqu’à présent non vérifiées : ces cités sont devenues des lieux de non-droit !
Les crèches transformées en club du 3ème âge
Cette assurance propre à toute majorité s’étend rapidement. Les regards deviennent plus durs, plus provocateurs. L’ambiance des villes et des villages de la région a radicalement changé. Le cliquetis des cannes et déambulateurs remplace celui des scooters, les parterres de pétunias et les bancs commencent à fleurir, les devantures vieillissent. Les coiffeurs ou les marchands de fringues ressortent leurs modèles d’après-guerre.
Tout le quotidien est chamboulé. Désormais, les bus concentrent leurs trajets sur des périmètres de plus en plus réduits, délaissant les relations entre quartiers. Les crèches et les écoles sont transformées d’autorité en clubs du 3e et 4e âge. Les commerces de proximité font leur retour en force. Et adaptent leurs horaires : 6h-11h, 15h-17h. Le reste de la population aussi. Les files s’allongent devant les magasins et le pain blanc redevient à la mode. Côté culture, les vieux sont tout aussi intransigeants : Claude Barzotti, Herbert Léonard, Adamo, Hervé Villard remplacent les groupes de musiques actuelles dans les principales salles de concert ; les opérettes, le théâtre contemporain. Des rétrospectives Fernandel sont imposées dans les cinémas.
Quelques mécontents se sont même manifestés ! De jeunes retraités. Consommateurs de loisirs et de culture, ils dénoncent un retour aux années 50, à une société ankylosée. Ce mois de mai 2010, les manifs ont pris de l’ampleur. Les 60-70 ans revivent 68 : « Céder un peu, c’est capituler beaucoup ! », « Ne prenez plus l’ascenseur, prenez le pouvoir ! », « Désirer la réalité, c’est bien ! Réaliser ses désirs, c’est mieux ! »… En ce début de juillet, des affrontements ont encore lieu : jeunes vieux contre vieux vieux, citadins contre ruraux. Et même néo-ruraux ! Pour l’instant, Paris n’a pas réagi.
Minorisés, dépassés, les derniers jeunes ont décidé de profiter de leur été pour prospecter dans le reste de la France. Certains parlent d’exode à venir. Pourtant, ça ne saurait durer ! Les vieux ne peuvent plus se reproduire…
J-F P.