Sanary-sur-Mer, conseil municipal du 18 décembre 2006
17h45 A Sanary, le Conseil n’a pas lieu en mairie mais au théâtre ou à la bibliothèque. Cette fois-ci, il se déroule dans une salle du Centre culturel. Une fantaisie qui ne décourage pas les curieux. Les chaises pliantes, une centaine, disposées pour le public autour des tables en formica réservées aux élus ,sont déjà toutes occupées. Cinquante personnes, souvent âgées, devront donc assister debout aux débats.
17h50 Au fond de la salle, sur un trépied, une caméra suscite de nombreux commentaires. Un technicien explique : « moi, on me demande de filmer. J’installe le matériel, j’appuie sur le bouton et je m’en vais. C’est un plan fixe ». Lors du dernier conseil municipal, le maire a fait évacuer manu militari des opposants qui filmaient la séance avec une caméra vidéo. Au passage, un caméraman de France 3 a été lui aussi vigoureusement incité à sortir de la salle. Pour protester, les élus de l’opposition ont boycotté la fin de la réunion. 17h55 Le maire, Ferdinand Bernhard, fait son entrée. Il doit tracer son chemin au milieu du public. Un homme commente à voix haute : « Dieu arrive ».
18h01 France 3 est à nouveau présent. Une journaliste photographie les conseillers municipaux avec, en premier plan, la fameuse caméra « officielle » désormais chargée d’immortaliser leurs délibérations. Lorsqu’il aperçoit l’objectif Ferdinand Bernhard arbore aussitôt un grand sourire.
18h06 Après avoir laissé « Patricia », sa 1er adjointe, faire l’appel, le maire fait une déclaration « préliminaire ». Son sujet : les caméras ! « Le public doit écouter silencieusement, seuls les élus ont la parole. » Quelqu’un se mouche très bruyamment. « Les chaînes privées et publiques travaillent selon un code déontologique (…) Mais l’image peut être manipulée ou déformée. » La même personne tousse en faisant mine de s’étouffer. Ferdinand Bernhard : « Cela va passer ? ». Le perturbateur : « Merci, c’est passé ! ». Le maire reprend la lecture de son communiqué : « filmer de façon provocante est de nature à perturber les élus. » Il fustige ensuite « les fauteurs de troubles qui utilisent des caméras pour essayer d’exister ». Mais Ferdinand Bernhard explique que « dans un souci d’apaisement » il a décidé de faire filmer lui-même le Conseil. Le film sera consultable à la médiathèque…
18h14 « L’intégralité du débat sera diffusée ? », questionne, très dubitatif, Bernard Pelissier, conseiller municipal UMP (opposition). Bernhard : « l’intégralité ». Pelissier, insistant : « Est-ce que vous voyez un problème si je pointe une caméra sur vous ? ». Bernhard, tendu : « aucun ».
18h15 Jacqueline Souvignet, adjoint délégué à l’urbanisme présente le premier gros dossier : l’attribution au groupe Moliflor d’une délégation de service public pour la gestion d’un casino. Gérard Vernières, pour l’opposition UMP, demande aussitôt à faire une « mise au point » sur un tout autre sujet. Il s’étonne que le maire ait demandé à deux élues de son groupe de lire une délibération : « Vous les avez prises à l’essai ? ». Ferdinand Bernhard, cinglant : « Sans esprit de polémique, de quel groupe parlez-vous ? Il s’est au moins scindé en deux (…) Quand à votre raillerie concernant mesdames Larrière et Bompan, ce n’est vraiment pas brillant. Ce n’est visiblement pas la journée de la femme aujourd’hui… »
18h25 Gérard Vernières aborde enfin la question du casino. Expressif comme aurait pu l’être Jean Lefebvre dans un film de Bergman, il résume la position très nuancée de l’opposition : « ce n’était pas prioritaire mais nous voterons pour. Ce n’est pas parce qu’on jouera plus à Sanary que la morale sera bafouée… »
18h29 « Je vais essayer de faire aussi bref que vous », pique Ferdinand Bernhard avant de se lancer dans un discours… fleuve. Il y explique que l’intérêt du casino est surtout touristique et non financier « même si la manne de la redevance est importante ». Le maire se réjouit que les 50 millions d’euros investis dans la construction de l’équipement soient à la charge de la société privée alors que « dans 18 ans », le bâtiment et le terrain redeviendront pleinement la propriété de la municipalité. « Cela peut sembler long mais 18 ans, c’était hier quand je suis arrivé aux responsabilités et ce sera très vite demain, dans 18 ans, quand je serai encore là. »
18h36 Les délibérations s’enchaînent concernant les affaires budgétaires. L’atmosphère s’alourdit. L’opposition se mure dans le silence. Les adjoints présentent brièvement les dossiers puis le maire soliloque.
18h48 Jean Lefebvre – pardon ! – Gérard Vernières demande de temps en temps une précision technique. L’action se déroule dans la salle. Un homme a sorti une caméra vidéo. Une « provocation » de l’opposition qui a fait venir un huissier prêt à constater toute entrave à ce qu’elle considère comme un droit démocratique. Cette fois-ci, le maire ne tombe pas dans le piège et fait mine de ne rien voir.
19h03 Devant l’absence de combativité de ses adversaires, Ferdinand Bernhard se détend. Et fait de l’humour. Confortablement installé dans le seul fauteuil de la salle, s’adressant à l’auditoire condamné à rester debout : « venez au bain de Noël dimanche matin. Comme disait mon médecin, cela resserre les sphincters ! »
19h06 Passe d’arme courtoise entre Vernières et Bernhard sur la hausse des tarifs funéraires. Réponse du maire pour justifier l’augmentation : « Nous faisons en sorte que les cimetières, où personne pourtant ne vote, soient bien tenus. »
19h11 Une fanfare répète dans une pièce voisine et égaye un peu l’assemblée devenue lugubre.
19h15 Le maire au sujet du baptême d’une nouvelle rue : « « route des coquelicots » pour un chemin qui mène à la déchetterie : vous voyez bien qu’on fait de la poésie ! »
19h17 Ferdinand Bernhard tombe la veste.
19h32 La fanfare a cessé de jouer. L’assistance et les élus semblent pétrifiés. Le calme avant la tempête ?
19h40 Jacqueline Sauvignet, adjoint déléguée à l’urbanisme aborde le dossier du PLU, le plan local d’urbanisme. D’emblée, Gérard Vernières indique que l’opposition votera contre sa révision. Bernard Pelissier sort de sa torpeur et attaque en exposant les motifs de se refus : « vous vous plaisez à répéter que les intérêts particuliers doivent s’effacer devant l’intérêt général ». Le maire : « non, je ne dis pas ça ». L’élu de l’opposition poursuit : « Concernant le nombre important des emplacements réservés, vous maintenez en otage les propriétaires (…) ils n’ont le choix qu’entre le fouet ou le bâton et c’est vous qui tenez les deux (…) Au nom de ce que vous appelez utilité publique et au prix du plus élémentaire droit qu’est celui de la propriété privée, vous vous réservez des terrains dont certains d’entre eux ne sont affectés qu’après l’enquête publique et sur des critères tout à fait discutables. Ceci est illégal. »
19h45 Un bon tiers du public applaudit à tout rompre. Ferdinand Bernhard : « vous avez employé à mon égard des mots qui relèvent de la justice. Je vais donc porter plainte. » Sifflements. Sans se démonter, le maire : « je comprend que certaines familles espèrent le déclassement de leur terrain pour construire, le rôle d’un PLU n’est pas de gérer ces problèmes. Ce qui est gênant c’est que certains sont allés dire à des propriétaires et des locataires qu’ils allaient être expropriés. » Les sifflements redoublent dans un centre culturel transformé en arène. Ferdinand Bernhard évoque son projet contesté de préempter les terrains d’une coopérative pour construire une maison de retraite. « Je suis profondément choqué que l’on crée un comité de défense pour s’opposer à cela. Car à moins d’un accident, nous finirons tous en maison de retraite. Cet espèce d’égoïsme minable ne représente pas l’intérêt général (…) Cette tentative de manipulation des uns et des autres est malsaine. »
19h54 Dans le public, un homme hurle : « c’est un scandale ! Vous êtes un espèce de menteur ! Un zéro ! Restez là ou vous êtes avec vos élus ! Je m’en vais ! » Applaudissements. Ferdinand Bernhard : « levez-vous pour applaudir ! » Une vingtaine d’opposants obtempèrent en applaudissant. Le maire : « Merci, comme ça on a pu vous compter ! »
19h55 Denise Kalac, conseillère d’opposition, sort de sa réserve alors que Ferdinand Bernhard l’a accusée d’utiliser son mandat pour défendre ses intérêts privés : « Mr le maire, vous venez de m’agresser ! ». Bernhard : « je raconte la vérité ! ».
20h03 Les débats sur le PLU se poursuivent sur un registre plus posé. Bernard Pelissier tente un nouvel assaut : « et que faites- vous des réserves et des recommandations de l’enquête publique ? ». Ferdinand Bernhard botte en touche : « Détendez-vous. Je vous sens énervé. Moi, je suis zen ! »
20h15 Quelques questions diverses expédiées, le maire conclut : « la séance est terminée. Vous voyez qu’il n’y avait pas de quoi fouetter un chat ! Joyeux Noël ! »
Michel Gairaud