Samy Naceri, comédien

février 2007
Alors que le très dispensable Taxi 4 sort ce mois-ci, son protagoniste Samy Naceri fait sa promo à sa façon dans une autre salle obscure, en détention provisoire à la maison d'arrêt de Luynes.

Samy l’embrouille 19rv38lop_naceri.jpg « Joe le taxi, la baston c’est sa vie ! » Donc, tu veux savoir qui je suis ? Non mais tu te fous de ma gueule, connard ! (Il empoigne la grille du parloir et la secoue violemment. Un infirmier taillé comme David Douillet accompagné de quatre matons se précipite pour lui faire une piqûre. Il finit par se calmer et reprend, dans les vapes). Bien, j’ai 45 ans, monsieur le journaliste. Je suis né d’un père kabyle, peintre en bâtiments, et d’une mère française. J’ai six frères et s?urs, la vie de banlieue… L’école, j’ai laissé tombé à seize ans. Je zone, les petits boulots, les bringues en boîte, les virées en bagnole. Un soir, je suis allé mettre un coup de boule dans un pare-brise. J’ai gardé les stigmates de l’accident, cicatrice qui contribue à me donner cet air de mauvais garçon, alors que je ne suis dans le fond qu’un crétin qui ne met pas sa ceinture de sécurité. Ce choc, ça a été l’illumination ! Je ferais du cinéma ! Mais pour ça, il fallait que je change de prénom. Saïd, ça fait trop bougnoule, alors j’ai opté pour Samy, ça fait feuj, beaucoup plus efficace pour percer dans le chobiz que je me suis dit ! D’abord, j’ai galéré à faire le figurant, avant de tourner dans Raï de Thomas Gilou. J’ai eu deux prix pour le rôle, à Locarno et à Paris. Mais c’est avec Besson que j’ai décollé, quand il m’a filé le rôle de Daniel Morales pour Taxi… Vous voyez bien, un nom espagnol avec ma tronche, ça passe mieux dans ce pays raciste plein d’enculés de noirs, de juifs et d’arabes (1) ! La consécration, ça a été le prix collectif d’interprétation à Cannes, pour Indigènes l’an dernier, le film qui a fait pleurer dans les chaumières, Elysée compris. Trop fort ! Mais faut que je vous raconte mon palmarès, celui dans la vraie vie. Je commence à partir de 2000, parce qu’avant, il n’y aurait pas la place. En octobre 2000, je prends l’avion pour faire la promo de Taxi 2 à Montréal avec ma nana, Reno et Kassovitz. Embrouille : pas de place en première ! Moi, Naceri, le gosse des banlieues, voyager en classe éco avec les prolos, tu m’as bien vu ? J’ai pourri la salope d’hôtesse de l’air, ça m’a coûté un mois avec sursis, 3000 ? d’amende et 6000 ? dommages et intérêts, je m’en branle, je suis pété de thunes. Le même mois, je me suis énervé après un connard qui m’avait klaxonné dessus, alors que je conduisais mon 4×4. Je l’ai coursé comme dans Taxi, je l’ai coincé et je lui ai éclaté sa face de rat ! Du grand art ! Bon, les tribunaux sont mauvais public : 6 mois avec sursis, 5000 ? d’amende, suspension de 3 ans pour le permis. Mais je m’en branle, je conduis quand même. D’ailleurs, je me suis fait serrer au volant et sans permis par les flics le 1er janvier à Marseille, la bonne année, enculé de ta mère ! En octobre 2005, j’ai fait le con chez Ardisson, avec Rushdie à propos de la fatwa. J’ai été très violent, il y en a qui m’ont entendu le menacer de mort (2), mais j’étais encore complètement fracassé, je me souviens de rien. Un mois plus tard, je remets ça : j’ai explosé mon verre de vodka dans la tronche d’un jeune styliste qui venait me livrer des tee-shirts Van Dutch dans une brasserie chic du 16ème arrondissement. Deux mois ferme. Ils étaient froissés, les tee-shirts ! Et moi, je veux toujours être sapé comme un prince : costards italiens sur mesure, chemises en soie flashy… En mars 2006, je me fais encore alpaguer : j’avais pris une boîte de Lexomil et 15 whiskies, et j’ai traité un flic de « sale nègre ». 6 mois ferme et 8000 ? d’amende. Ça a été ça, mon cadeau de Noël ! Et puis voilà que le premier janvier, je me fais choper sans permis, et le lendemain, virée en boîte à Aix, je me suis fait péter la gueule par les vigiles du Mistral. Faut dire qu’ils voulaient pas me laisser rentrer ces gros pédés parce que j’étais bourré, alors j’ai sorti un couteau pour leur faire voir… Tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse : j’ai laissé quatre dents dans l’histoire. En attendant, je fais de la provisoire à Luynes, j’aime bien la région, ça me porte chance depuis Taxi. Jusqu’à ce que je le vois la semaine dernière. Du coup ça m’a déprimé et j’ai gobé la boîte de cachetons (3). Parce que faut voir la bouse ! 8 millions de spectateurs, mais moi je l’avais jamais vu. Et dire que je me suis cru quelqu’un à cause de ce nanar pitoyable. J’étais la risée de la cellule, la honte ! Mais comme ici c’est des vrais voyous, là j’ai fermé ma grande gueule. J’ai préféré m’en prendre à moi-même, mais ces connards à l’hosto m’ont fait un lavage d’estomac, du coup je les ai traités de tous les noms. Ça va me mener encore devant les tribunaux, alors que je suis déjà au gnouf. Bref, si je sors de là, j’arrête la coke, l’alcool, les médocs, les putes, les costards et les bagnoles de maquereau, je dis merde à Besson, et puis… (Il se lève, exalté) je postule pour la place de l’Abbé Pierre ! Infirmier, infirmier ! Vite, ma piqûre, putain de ta race !

Paul Tergaiste

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