Révolution dans le syndicalisme étudiant
Les élections étudiantes de 2010 pourraient confirmer une tendance : le poids croissant des associations et autres corpos dans la représentation étudiante. Accusées d’acheter les voix avec des soirées et des cartes de réduction (ciné ou bars, etc) par les syndicats, elles gagnent depuis quelques années, regroupées sous le sigle Bureau des étudiants (BDE), des sièges dans les instances universitaires.
A Nice, BDE Connexion, liste issue de la Fédération des associations et corporations étudiantes des Alpes-Maritimes (Face 06, prononcer à l’anglo-saxonne), est majoritaire au Crous et dans les conseils universitaires. Ulcéré par ce qu’il appelle « des rumeurs », pourtant en partie confirmées par le site internet de sa fédération, Thomas Côte, président de Face 06 et étudiant en droit et sciences po de 24 ans, explique ce succès avec modestie : un intense travail de terrain auprès des associations (formation, partenariats, etc.) et des étudiants (informations, etc). Mais aussi, par un positionnement naturellement apolitique et « l’idée d’une université au service des étudiants. » Exemple : « On est opposés à la loi LRU, mais comme elle a été votée, on essaie d’y mettre des garde-fous. Sur la Masterisation, on a obtenu le maintien des stages et du concours et une réorientation pour ceux qui échoueront. » Une cogestion que ne renierait pas l’Unef (1)…
Le BDE de Toulon est connu pour fournir les gros bras de la direction.
L’arrivée de nouveaux venus fait évidemment tiquer. Mais plus pour le tapis rouge qui lui est déroulé que pour la concurrence. Les présidents des universités ne sont en effet pas étrangers à son éclosion : ils soignent plutôt bien les associations et corpos. Subventions, visibilité de leurs activités, etc., rien n’est trop beau. Certaines se sentent d’ailleurs parfois redevables : le BDE de Toulon fournit régulièrement des gros bras à la direction de l’USTV… « Il y a un intérêt politique à les privilégier : en soirée, on ne pense pas à ses problèmes de bourse », estime Hédi Bounouar, en 2e année d’Histoire encarté Sud Etudiant.
Autre « intérêt politique », l’installation d’une représentation étudiante de meilleure composition et à la représentativité assurée par les cartes d’adhésion aux associations et corporations. Une bouffée d’air pour les présidents d’université : jusque-là, ces derniers ont plutôt dû composer avec des organisations fortement politisées, à l’audience croissante, malgré une faible représentativité (moins de 10 % de votants aux élections étudiantes, 1 % de syndiqués), et au discours virulent. A l’image, sur Aix-Marseille, de Sud Etudiant et de Fac Verte, un syndicat écolo et altermondialiste créé en 2003. « On a pu faire savoir qu’à la suite du premier mouvement contre la LRU en 2007, celle d’Aix-Marseille 1 a voulu faire passer 350 000 Euros de frais de vigiles pour de la dégradation de matériel ! », rigole Hédi Bounouar.
Pierre Isnard-Dupuy, encarté lui aussi Fac Verte, a par contre, décidé de jeter l’éponge en juin dernier, après un an de mandat au conseil d’admistration d’Aix-Marseille 3. « Ce sont des chambres d’enregistrement, sans pouvoir de décision pour les élus étudiants et enseignants. Une situation renforcée par la loi sur l’autonomie des universités », dénonce cet étudiant en Master II de sciences politiques. En toute logique, après la gouvernance, l’Etat s’attaque à la représentation étudiante. Toujours à l’américaine.
Jean-François Poupelin