Recherche et formations sous influences

août 2011
« Partenaire » des laboratoires de recherche, l’industrie nucléaire sait faire valoir ses intérêts.

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Le Commissariat à l’énergie atomique, Areva, EDF, ils sont partout ! Impossible de trouver un laboratoire de la région travaillant sur la fusion (Iter) ou sur la fission nucléaire (les centrales actuelles) qui ne soit pas lié scientifiquement et financièrement à ces poids lourds. À l’industrie, les aspects techniques, à l’université, les fondamentaux. « On travaille avec eux sur deux types de partenariats : des temps courts (six mois, un an) et des temps longs, détaille un maître de conférences qui a requis l’anonymat. Le long terme concerne Iter ou des centrales nouvelle génération par exemple. Sur les temps courts par contre, on se transforme parfois en de simples sociétés de services pour résoudre leurs “moutons à cinq pattes”. Au lieu d’embaucher quelqu’un qu’ils devront conserver jusqu’à la retraite, ils préfèrent nous prendre nous. »

Et ces prestations recouvrent jusqu’à 50 % du budget de certains laboratoires. Alors, proximité ou dépendance ? « L’industriel, chez moi, il ne fait pas la loi, rétorque Christophe Le Niliot, directeur d’un labo à l’institut des systèmes thermiques et industriels (IUSTI, rattaché à l’université de Provence). S’il devient trop pressant, je peux m’en séparer. »

« La démarche n’est pas vraiment pluraliste »

Reste que dans les faits, des « partenaires » comme le CEA – qui dit « ne jamais occulter les risques » – sont omniprésents jusque dans les programmes de formation, au risque de faire entendre aux futurs cadres du nucléaire un discours unique. Ainsi, à l’École nationale supérieure d’arts et métiers (Ensam) d’Aix-en-Provence, on propose en troisième année un parcours exclusivement consacré au nucléaire qui souhaite offrir aux étudiants « une vision élargie des enjeux énergétiques actuels et futurs ». Dans la liste des intervenants : Areva, EDF, CEA, INSTN (1)… Drôle de définition de la diversité !

« La démarche n’est pas vraiment pluraliste, concède Laurent Barallier, l’enseignant responsable de la formation à l’ENSAM aixoise. Il faudrait peut-être faire entendre d’autres voix. » Dans la même école, un mastère de sûreté nucléaire assène ses vérités dans sa présentation. La hausse annuelle de la demande énergétique mondiale est « inéluctable selon les experts » et les énergies renouvelables « des candidates séduisantes [qui] ne permettent pas, à elles seules, d’approvisionner la consommation mondiale énergétique ». Pas de place au doute !

L’université d’Aix-Marseille II forme elle aussi à la sûreté nucléaire, mais entend traiter plus largement « les risques et nuisances technologiques » avec un master qui tire la moitié de ses ressources du privé. Son directeur, Philippe Gallice, déclare pourtant « ne subir aucune pression ». Sa recette ? « On ne forme pas qu’au nucléaire, poursuit-il. On veille à ce qu’il y ait une diversité maximale dans nos intervenants et dans les lieux de stage de nos étudiants car le risque, c’est la dépendance. Oui, le vrai risque, si l’on peut dire, c’est celui du client unique. »

Jean-Marie Leforestier

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