« Je remercie Pellenc SA »
18:32
Une clochette carillonne pour la troisième fois. Caché par un écran qui ne laisse voir que le crâne chauve de sa tête ronde, Roger Pellenc, le maire UMP, gronde : « Mes chers collègues, nous allons commencer ! »
18:39
Roger Pellenc, PDG de Pellenc SA, leader mondial de la robotique agricole, a invité Jean-Claude Féraud, maire UMP de Trets et vice-président de la Communauté d’agglomération du Pays d’Aix, et Serge Lerda, directeur de l’habitat de la CPA, pour présenter la politique en matière de logement de l’intercommunalité. Leur retard l’impatiente : « Nous allons avancer. »
18:45
Un portable sonne ostensiblement. Elie Baudoin, délégué aux foires et marchés, pique un fard plein de dignité.
18:52
Pierre Féraud, adjoint à l’urbanisme, se précipite pour accueillir les retardataires. Lancé dans la lecture (soporifique) de son activité depuis le dernier conseil, le maire n’esquisse pas un geste. Ambiance…
19:00
Roger Pellenc, solennel : « Avant de donner la parole à Jean-Claude Féraud, permettez-moi de rendre hommage à son papa Jean, ancien maire de Trets, qui était aussi médecin et qui a œuvré dans de nombreuses associations viticoles (sic). » Minute de silence réglementaire. Le maire se met au garde-à-vous de circonstance : bras contre le corps et tête baissée.
19:18
Errare humanum est. Elie Baudoin affiche naturellement le teint rose-rouge de Michel Vauzelle, président socialiste de Paca.
19:25
Jean-Claude Féraud se veut didactique et assure : le logement est « un problème grave, ni de droite ni de gauche » mais il est « parfois difficile de construire des logements sociaux [parce que] chaque commune a ses spécificités ». Puis de se réjouir : « Un projet de loi prévoit de donner au maire le contingent préfectoral [car] c’est ingrat de lui imposer des gens d’ailleurs. » Un discours finalement très orienté politiquement.
19:34
Serge Lerda prend le relais. Pause cigarette.
19:48
Le technicien conclut face à une assemblée interdite. Noëlle Trinquier (DVD), petite quinqua aux cheveux courts, tacle le maire de sa petite voix : « En intervenant au dernier conseil, je voulais juste attirer votre attention sur le projet de villas que je ne trouve pas clair. » Roger Pellenc fait la moue.
19:55
Une jolie brochette de retraités se lève d’un seul homme et quitte la salle. A son rythme.
19:57
Christina Berard (PS) s’indigne du rachat par la Logirem, un bailleur social, de 16 des 18 villas dans le cadre du plan gouvernemental de sauvetage des promoteurs immobiliers : « Il faut qu’il arrête de laisser l’existant se dégrader ! » Chacun y va de sa réflexion. Finalement, Jean-Claude Féraud exulte : « On peut lui demander une contrepartie ! » Sourire gêné, Serge Lerda douche la liesse : « En quatre ans, ils n’ont pas répondu à un seul de mes courriers… »
20:05
Départ des intervenants et retour à l’ordre du jour. Un bon quart du public a déjà déserté.
20:20
Délibération 6, « Acquisition pour la réalisation d’un parking ». Noëlle Trinquier « s’interroge » : « En 2006, nous souhaitions acheter ce terrain pour en faire un jardin public. Il avait été estimé à 25 000 euros parce qu’en zone inondable. Finalement, un particulier l’a acheté 70 000 ! Et aujourd’hui, il vous le revend à 45 000 ? » Le PDG-maire louvoie : « Le parking est très urgent à faire. »
20:32
Délibération 8, « Modification du règlement intérieur du conseil municipal ». Très discret jusque-là, Fabien Perez, tête de file des socialistes, demande la parole. Cravate rose, blazer, jeans, le beau gosse du PS local attaque drapé de sa robe d’avocat : « Nous sommes flattés que vous ayez pris en compte nos remarques dans la modification de l’article 21. Mais nous aurions été plus flattés si vous l’aviez retiré ! Si vous avez la police de l’assemblée, vous n’avez aucune possibilité d’expulser un conseiller comme vous vous en octroyez le droit ! » Et de s’emporter : « Vous rêvez d’une mairie sans opposition, sans élus, sans majorité ! » Conclusion tout en effets de manche : « J’appelle tous les conseillers à voter contre cette disposition illégale, pour que Pertuis ne se ridiculise pas. On ira au tribunal administratif ! »
20:43
Fureur de Roger Pellenc, ancien soixante-huitard tendance anarchiste, selon sa bio officielle de La Provence reprise sur le site Internet de la mairie : « Vous êtes à la limite de la diffamation. Vous me faites un procès d’intention en disant que je n’aime pas la démocratie et vous me qualifiez de fasciste quand vous affirmez que je ne veux pas de conseil ! »
21:00
Le conseil a retrouvé une certaine sérénité. La séance avance au rythme de rapports plus ou moins bien préparés. Noëlle Trinquier s’en délecte en multipliant les interventions.
21:16
Suite à l’annonce de l’augmentation des droits de place des foires et marchés par Elie Baudoin, Roger Pellenc explique : « Ça nous coûte 106 000 euros par an. » Rigolade d’un couple de jeunes retraités : « On va pouvoir racheter des caméras de vidéosurveillance ! »
21:25
Délibération 17, « Subvention FIPD pour extension de la vidéoprotection ». Plus 126 caméras sur trois ans. Préposé aux grandes causes, Fabien Perez se lance : « Nous y sommes évidemment favorables. » Puis d’attaquer : « Par contre, on se pose des questions sur les sept caméras posées en janvier : trois l’ont été au centre technique municipal, vous surveillez le personnel municipal ? Pourquoi n’y a-t-il pas eu de demande de subvention et de vote en conseil ? » Agacement de Roger Pellenc : « Ce matériel nous a été prêté pour résoudre un problème de transmission. »
21:48
Devant l’insistance du socialiste, le maire prévient : « Vous êtes en train de franchir la ligne blanche ! » Alain Manzoni, son conseiller à la Sécurité, vole à son secours : « Nous préparons la télé… gestion… urbaine que nous allons mettre en place avec le nouveau matériel ! » Fabien Perez n’en démord pas : « Il y a une législation ! Qui vous a prêté les caméras ? Quel bilan ? » Excédé, Roger Pellenc tranche : « Monsieur Perez, le débat est clos ! » Une voix contre dans l’opposition, le reste s’abstient…
21:53
Le maire annonce les questions écrites. Lucette Reynaud (PS) attaque : « Comment expliquez-vous le départ de si nombreux cadres et fonctionnaires ? » Retranché derrière son écran, Roger Pellenc lit sa réponse d’une voix monocorde : « A notre arrivée, le dialogue social était horrible… » La fin se perd dans les rires du public.
22:05
Nouvel accrochage entre le maire et Fabien Perez. L’ambiance est électrique. Roger Pellenc fulmine : « Lisez votre question ! » L’avocat : « Je fais ce que je veux ! Des employés de SA Pellenc ont été vus en mairie… » Explosion du PDG-maire : « Une fois de plus, vous mettez en cause l’équipe municipale ! » Replongé dans ses notes, il lit, laconique et sans fausse pudeur : « Je remercie Pellenc SA pour ses interventions, le prêt des caméras et je m’élève contre ce procès d’intention mesquin à l’encontre d’élus à l’éthique des plus respectable… » La kermesse reprend.
22:17
« La section Sud Lubéron du PCF s’étonne de ne pas avoir reçu de réponse à sa demande de mise à disposition du boulodrome », interroge à son tour Jean-Jacques Dias, colistier de Noëlle Trinquier. Petite vengeance du maire : « Je leur ai dit dès le 28 octobre dernier que selon le cahier des charges de l’ancienne municipalité ça n’était pas possible… »
22:24
Toujours sous la protection de son écran, Roger Pellenc clos le conseil de son agressivité habituelle : « Voilà, la séance est terminée ! »