Parano ou peste moderne ? 7 scénarios pour 1 grippe A
Interdiction de faire la bise ou de serrer la main à un collègue ! C’est le nouveau règlement d’une entreprise de produits alimentaires dans les Bouches-du-Rhône. Motif ? Protéger les salariés de la grippe A, bien entendu ! A en croire la communication gouvernementale et le battage orchestré par l’Organisation mondiale de la santé, la lutte contre la pandémie est une question de survie. Pourtant, H1N1 a fait, début septembre, seulement un peu plus de 2 000 morts dans le monde dont une dizaine en France, Polynésie et Nouvelle Calédonie incluses. A titre de comparaison, la grippe classique tue chaque année entre 250 000 et 500 000 personnes, le paludisme décime tous les ans entre 1,5 et 2,7 millions de victimes, le Sida a fait plus de 2 millions de morts en 2007.
Que penser ? Que l’Etat français en fait trop face à une petite « gripette », selon l’expression du professeur Bernard Debré, député UMP ? De fait, la plupart des gens qui attrapent le virus se soignent en quelques jours avec de l’aspirine, à l’image des quarante adolescents contaminés cet été dans un centre d’étude à Cap d’Ail (06). Face à cette fièvre de scepticisme, les arguments ne manquent pas. Ceux par exemple avancés par la député marseillaise UMP en charge de la santé pour la majorité présidentielle. « La vigilance demeure la règle fondamentale », insiste Valérie Boyer. Surtout quand la grippe A déconcerte à un tel point les scientifiques : la morbidité demeure heureusement pour l’instant très faible, mais son niveau de contagion s’avère très élevé…
A quoi faut-il s’attendre ? Si l’épidémie de grippe s’emballe, le gouvernement pronostique un taux d’absentéisme de l’ordre de 40 %. Avec toutes les conséquences imaginables pour l’organisation sociale et économique. Le nouveau ministre de l’Education a multiplié les annonces fracassantes : 3 cas simultanés de virus H1N1 = fermeture de la classe voire de l’école toute entière. A ce compte, vacances obligatoires pour tous les enfants et leurs parents cet automne ! Une fermeté dans le discours qui contraste avec les moyens sanitaires sur le terrain. « Malgré nos demandes anciennes et répétées, notre profession est l’une des rares à échapper à la médecine du travail, déplore Corinne Vialle, secrétaire nationale du SNUipp-FSU, directrice d’école dans les Bouches-du-Rhône. Je ne parle même pas de l’état déplorable de la médecine scolaire ou de l’absence d’infirmières dans les établissements ! »
Sans forcément nier les risques, il y a matière à questionner la pertinence des mesures prises, l’usage politique possible de la maladie et des peurs associées, le lot de fantasmes millénaristes que brassent nos sociétés repues incapables d’admettre leur fragilité. Le choix d’investir un milliard d’euros pour 94 millions de doses de vaccin interroge. Michèle Rivasi, la nouvelle eurodéputée écologiste du Sud Est dénonce « une précipitation gouvernementale et un enrichissement de l’industrie pharmaceutique ». Faute de prendre le temps d’étudier les effets secondaires, elle craint que « le remède proposé ne soit pire que le mal ». Le pire, justement, n’est jamais sûr. Et si on profitait de cette crise pour imaginer le meilleur ? Un monde dont les rouages sociaux et écologiques seraient un peu moins grippés. A nous d’écrire le scénario…
Michel Gairaud
AU SOMMAIRE
■ Scénario hold-up social : droit du travail contaminé ■ Scénario revival : la peste ■ Scénario jackpot économique ■ Scénario catastrophe : la vie en vieux ■ Mode : épidémie-chic ■ Scénario décroissant : grippés volontaires ! ■ J’ai survécu à la grippe A(nglaise) ■ Scénario parano ■ Scénario sciences po
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