Orange, conseil municipal du 14 janvier 2009
« Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » 18h01 Façon pilier de bar, Jacques Bompard, le maire MPF transfuge du FN, règle quelques dossiers le coude nonchalamment posé sur le comptoir de l’accueil du premier étage de l’hôtel de ville. Dans le public – une vingtaine de personnes, le maximum qu’autorise la salle du conseil -, des militants UMP conspirent à la création d’un bulletin d’opposition…
18h03 Le coordonnateur du parti du Vendéen Philippe de Villiers pour Paca salue l’assistance d’un « Bonsoir tout le monde » feutré et d’un sourire forcé. Veste en velour noir sur un pull beige, teint hâlé et crâne largement dégarni, il s’installe puis ouvre la séance en demandant une minute de silence en l’honneur d’une ancienne conseillère municipale de sa majorité récemment décédée. L’absence de Pascal Vielfaure, jeune leader du parti présidentiel aux dernières municipales, provoque quelques sarcasmes dans ses rangs.
18h12 Après une première escarmouche sans conséquence, la séance s’emballe. Anne-Marie Hautant, du « Rassemblement démocratique » (patchwork PS, PC, société civile, Parti occitan, adhérents du MoDem, Verts et DVD), attaque sur une anodine question d’aménagement d’un chemin communal (délibération 2) : « Je m’abstiens. On va loin, on peut penser différemment. » Jacques Bompard, la voix mielleuse teintée d’un léger accent : « C’est démocratique qu’on ne soit pas d’accord sur tout. Certains veulent beaucoup de logements sociaux… » Coup de sang de la quinqua aux cheveux courts et au visage sévère : « Là, vous détournez ! C’est votre habitude ! » Le maire tempère : « Vous me donnez la parole ? » Anne-Marie Hautant persiste : « Pour qu’il y ait discussion, il faut de l’intelligence. » Faussement outré, Jacques Bompard tranche : « Vous ne me laissez pas parler, je me tais ! On passe au vote ! »
18h20 Petite vacherie du MPF à son opposition : elle doit se contenter d’eau plate alors que la majorité tourne à l’eau gazeuse…
18h25 L’ex-FN réprimande Monique Bruey, conseillère UMP, à la manière d’un prof débonnaire : « Vous êtes la représentante de l’opposition au CCAS, vous avez un devoir d’information. Je suis sûr que puisque Madame Hautant vous l’a demandé avec sa gentillesse coutumière, vous allez lui donner ce rapport. » La pique à l’intention de l’élue du « Rassemblement démocratique » provoque quelques sourires dans la majorité et des rires étouffés dans le public. Toujours aussi remontée, la conseillère d’opposition annonce son abstention. Le conseiller général, sournois : « Habituellement, il y a consensus sur les subventions… » Anne-Marie Hautant, agacée : « Il faudrait poursuivre ce long fleuve tranquille ? La disparité existe ! » Finalement, Jacques Bompard se délecte : « Mais j’accepte, Madame ! Abstention… »
18h45 Sans surprise, Jacques Bompart « détourne » une demande d’augmentation des plages d’ouverture de la médiathèque de Monique Bruey : « Je trouverais bien qu’elle soit ouverte le 1er janvier à minuit ou le dimanche matin en sortant des courses, dans les magasins que Sarkozy va nous ouvrir. » Puis conclut en expliquant sa « philosophie » en matière de gestion du personnel : « Embaucher des fonctionnaires à ne rien faire, ce n’est pas la nôtre ! »
18h48 Seconde vacherie de la majorité : le seul micro du conseil n’arrive curieusement jamais jusqu’à l’opposition… 18h52 Dans toutes les pensées, la garde-à-vue subie deux jours plus tôt par le maire et sa femme, à propos d’une plainte pour « prise illégale d’intérêt » dans l’achat en 2005 de deux parcelles à Orange, arrive enfin sur le tapis. L’ancien frontiste joue les martyrs à la manière d’un Jean-Marie Le Pen : « Les personnes âgées que j’ai rencontrées à un thé dansant sont très chaleureuses, y compris dans le moment difficile que je passe depuis quelques jours. Je veux les remercier. » Et de conclure, trop pudique : « J’effleure le sujet, mais je ne veux pas vous en parler. » Personne ne relève, mais un ange passe…
18h57 Jean Gatel, leader du « Rassemblement démocratique », se réveille à propos du « tableau des effectifs » (délibération 11). « Il n’y a pas de conservateur du patrimoine, pas de cadre A à la tête de la police municipale comme à celle de la filière sociale, un seul conseiller sports… Ca me gêne et ce ne sont que quatre exemples », dénonce le conseiller d’opposition. Avant d’immédiatement tempérer : « Je ne veux pas donner de leçon… » Tout le contraire de l’ex-FN, qui louvoie : « Que pourrait faire un conservateur en chef de plus que Madame Veule ? Un titre est une chose, la fonction une autre. ». « Et le salaire qui va avec le titre ? », bougonne une Orangeoise dans le public. Imperturbable, le maire tance Jean Gatel : « Je trouve méchant de vouloir la coiffer. » La même de plus en plus excédée : « La, la, les bons sentiments… » En échos, l’élu d’opposition sort de ses gonds : « A chaque fois que l’on essaie d’argumenter, vous tournez nos propos en dérision ! Il peut y avoir une personne au musée, une autre au patrimoine !»
19h10 Anne-Marie Hautant renaît. « Votre manière de dériver sur l’ironie et le mépris est insupportable ! », cingle la conseillère d’opposition de sa voix claire. Puis plus posée : « On a envie d’avoir les mêmes, ce que je ne ferai pas. » Finalement, elle attaque frontalement Jacques Bompard sur sa gestion : « Vous n’avez pas de politiques culturelle et sportive, par contre il y a de l’argent pour augmenter les thés dansants. C’est également un choix politique. » Réponse offusquée du maire : « Il n’y a ni mépris, ni ironie. Je vous rappelle que nous examinons 15 délibérations en 1h30. Si le Conseil général traitait son ordre du jour avec ma patience, il faudrait trois ou quatre jours. » Et, éternel : « Vous voulez que l’on sorte de nos compétences ? Nous avons une vision économique, de bon père de famille et d’enfant de paysan. La même que mon grand-père. »
19h21 Gilles Vivien demande et obtient la parole. « Notre mépris et notre ironie sont proportionnels à votre ton ! Vous vous prenez peut-être pour une vieille institutrice acariâtre, mais nous ne sommes pas vos élèves ! », s’emporte l’adjoint à la Culture. Nouvelle montée de fièvre de l’élue du « Rassemblement démocratique » : « C’est une insulte ! » Jacques Bompard balaie l’accusation, « en bon père de famille » : « On vous aime tous. Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. »
19h22 Visiblement, les Orangeois ont en eu pour leur argent : une bonne partie d’entre eux quittent la salle.
19h26 Contretemps. Les trois dernières délibérations ont été si vite expédiées que personne n’a compris les votes de l’opposition. « Je suis pour », annonce Monique Bruey, suivie d’un « moi aussi » de Jean Gatel. Blasée, Anne-Marie Hautant achève le tour de table : « Je m’abstiens. C’est de la gestion et c’est votre domaine ! » Dans la même mesure, le maire tranche : « La séance est levée. »
Jean-François Poupelin