Nucléaire : NON ! Ou merci ?
Quelques semaines avant l’Allemagne, quelques mois après Fukushima, un quart de siècle après Tchernobyl, le conseil régional s’engage à préparer une sortie progressive du nucléaire… tout en investissant dans ITER. Comment l’atome irradie en Paca ? Du Tricastin à Cadarache, en passant par Toulon, une enquête à croquer comme une pastille d’iode.
Un quart de siècle après la catastrophe de Tchernobyl et plus d’un mois après celle de Fukushima, le conseil régional a adopté, le 29 avril en assemblée plénière, une motion hautement symbolique. « Notre région est concernée par le risque nucléaire », souligne le texte détaillant la nature des dangers encourus. Avant de conclure sur une décision solennelle : « promouvoir tous les dispositifs de transition énergétique permettant de préparer une sortie progressive du nucléaire. »
Les écolos d’Europe écologie (EE) fêtent un succès politique dont ils sont à l’origine. « Paca montre ainsi la voie à suivre. Nous pourrions y diminuer rapidement notre consommation énergétique de 30 % », souligne Annick Delhaye, vice-présidente EE, déléguée au « développement soutenable ». Au sein du groupe socialiste et apparenté, quatre élus pronucléaires n’ont pas pris part au vote, comme la majorité du groupe du Front de gauche où un seul conseiller a approuvé le texte. L’UMP et le FN ont voté contre. En quelque sorte, une répétition générale et locale du débat national qui s’engage avant les présidentielles…
« Le PS a changé d’ère. Fukushima interpelle la doctrine française du nucléaire civil en prouvant qu’on ne maîtrise pas tout. Il faut sortir du nucléaire, la seule controverse avec les écologistes, c’est l’échéance », affirme le socialiste Christophe Castaner, longtemps pressenti pour présider… le groupement d’intérêt public d’ITER, le futur réacteur thermonucléaire expérimental. Pourtant, dans son programme pour 2012, le PS promet seulement « une sortie du tout nucléaire ». Une nuance importante que le ou la candidat(e) issu(e) des primaires devra vite trancher ! « J’ai évolué sur ces questions, je crois désormais qu’une sortie du nucléaire doit se faire, confie Gérard Piel, président du groupe Front de gauche. Mais là, avec cette motion, on est dans l’incantation, on évacue la question sociale du coût des énergies fossiles. On ne peut pas à la fois voter ce texte et financer ITER ! Et puis notre région reste complètement dépendante de l’énergie nucléaire. »
À droite et au Nouveau centre, personne ne se précipite, malgré nos sollicitations, pour expliquer une position de fait conforme à celle de Nicolas Sarkozy de ne pas renoncer au nucléaire en construisant en France sans tarder le premier réacteur EPR. Le Front national Stéphane Durbec détaille, par contre, avec enthousiasme le point de vue de l’extrême droite : « Nos centrales sont plus sûres. Les Français maîtrisent mieux que les autres le sujet. Le nucléaire est une énergie propre. » Cocorico !
Mais au fait, le nucléaire en Paca, c’est quoi exactement ? Il s’agit d’abord de Cadarache. À cheval sur les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes-de-Haute-Provence, le site consacré à la recherche est aussi un lieu de stockage de déchets. C’est là qu’ITER va être construit. Sur une faille sismique. Il s’agit également des installations nucléaires militaires à Toulon, « sur lesquelles aucune information n’est communiquée au public », déplorent les élus régionaux. C’est enfin, aux frontières régionales, le centre nucléaire de Marcoule (30) et, surtout, la centrale du Tricastin (26), une des plus vieilles de France, tous deux placés « en aval du territoire et sous les vents dominants », comme le rappelle avec perspicacité la motion du 29 avril.
De Cadarache, avec une visite guidée par un « dir com » du Commissariat de l’énergie atomique, à Bollène (84), à l’ombre du Tricastin, nous avons enquêté pour mesurer comment le nucléaire « irradie » Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Les antinucléaires sont-ils de mauvaise foi ? Est-il urgent de fermer le Tricastin, de reconvertir Cadarache ? Le recours à des sous-traitants dans les centrales est-il dangereux ? Peut-on aller au palais des sports de Toulon en paix ? La recherche est-elle sous influence nucléocrate ? Prépare-t-on vraiment des alternatives locales au nucléaire ? Un dossier à croquer comme une pastille d’iode…
M. G.