Mon enfant est né d’une autre

octobre 2011
Clara, association d’information sur la « gestation pour autrui », a tenu discrètement une réunion régionale à Marseille. Retour sur un mode de procréation interdit.

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Il flotte une atmosphère de clandestinité dans la petite salle de l’hôtel Mercure, quartier Prado, à Marseille (1). Une quinzaine de personnes y est réunie à l’appel de l’association Clara (2), créée par Sylvie et Dominique M. Face à Sylvie venue porter son message dans le sud, une petite dizaine de couples. « Encore un peu, on était assez pour la belote », rigole un participant. Pas de belote, ici, on parle gestation pour autrui (GPA). Chacun scrute le nouveau venu. Police ? Journaliste ? Service sociaux ?

A Marseille, plus qu’ailleurs, l’ambiance est tendue. Sylvie M. avait demandé une salle à la Cité des Associations mais un interlocuteur de la Ville a trouvé le thème de la réunion trop polémique. « On a dû se rabattre sur cette salle. Elle est à peine plus chère », sourit Sylvie M. Elle voit dans cette interdiction la main du lobby anti-GPA, supposé très actif à Marseille. Pourtant c’est ici que ce procédé de reproduction médicalement assistée a vu le jour en France, au début des années 80.

On parlait alors de mère porteuse. C’est sous l’impulsion du professeur Sacha Geller que les premières femmes « prêtent » leur utérus pour la gestation d’un enfant pour « le compte » d’un couple infertile. Mais la discrétion cède vite le pas à la médiatisation et à plusieurs années de controverse. Une décision de la Cour de cassation mettra fin au flou juridique en interdisant la gestation pour autrui en 1991. Depuis, la loi a peu bougé. Et, année après année, un centaine de couples traverse l’Atlantique pour trouver un utérus accueillant à leur ovocyte fécondé.

Ardents militants de la GPA, Sylvie et Dominique ont eu deux petites filles d’une gestatrice américaine, il y a dix ans déjà. Dix ans de lutte devant les tribunaux pour que la filiation de ces enfants nées de leurs gènes mais pas du ventre de leur mère soit reconnue par l’Etat français.

Les couples présents prennent beaucoup de notes. Tous ou presque ont un projet de gestation plus ou moins avancé et donc d’un voyage outre-Atlantique. « Visiblement, je n’ai pas besoin de m’acharner à apprendre le Danois », interroge un futur père. Car pour pratiquer la GPA, il faut trouver un pays où elle est légale pour tous : y compris pour les couples étrangers. Et ça, ce n’est pas gagné. « Dans certains pays, il y a des risques. Je vous déconseille les pays émergents comme l’Inde, précise Sylvie. Un couple a dû rester là-bas, faute de pouvoir sortir avec ses enfants. »

Outre le maquis juridique auquel chaque couple doit se confronter, le plus souvent en Anglais, c’est une forêt de tabous qu’il doit traverse une fois son enfant « rapatrié ». « Comment faire pour l’inscrire à la crèche sans livret de famille », s’inquiète une candidate. « Et, à l’école, les enfants parlent », relève une autre. « Mes filles n’a jamais eu de problème de ce côté-là. Elles sont fières de l’expliquer en classe. Et le seul incident, c’est quand un autre enfant lui dit : « toi, l’Américaine, rentre chez toi… ».

Gilles Bribot

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