Medias en ligne en devenir
Aux côtés d’un nombre incalculable de blogs, parfois plus instructifs que les vitrines officielles de la presse quotidienne régionale, on trouve aussi une poignée de bons sites d’information sur l’Internet made in Paca. C’est le cas de Marseille89, petit frère de Rue89. On y pratique « l’info à trois voix » en croisant les contributions de journalistes, d’experts et d’internautes. Rémi Leroux l’animateur du site, et chroniqueur au Ravi (cf page 25), vient de la presse hebdomadaire régionale : « La grande différence avec le papier, c’est l’immédiateté de la réaction du lecteur qu’on avait perdue avec la presse écrite. Chaque article a deux vies : celle de l’écriture et de la mise en ligne, puis le débat qui s’engage avec les commentaires. » Autre nouveauté : « Zéro contrainte éditoriale, je peux potentiellement écrire sur tout, cette indépendance à une vraie résonance. » Les articles les plus lus drainent en quelques jours près de 20 000 visites et des centaines de commentaires. Nouveau média, nouveaux risques toutefois : « Internet m’a fait perdre la conscience du temps long, reconnaît Rémi Leroux. J’ai du mal à constituer des dossiers et tendance par nécessité à alimenter le flux. »
« L’info n’est pas rentable »
Avec ses 400 visites par jour, le BDA, le « blog des Avignonnais », aujourd’hui rebaptisé InfoAvigon.com (pour découvrir le site, cliquez ici), joue dans une catégorie plus modeste. Fondé en 2007 par Jamil Zeribi et trois amis, bénévoles et non journalistes, il se revendique toutefois comme « le média en ligne du grand Avignon ». Les sujets politiques, sociétaux et économiques y sont à l’honneur ainsi que les acteurs associatifs. « C’est une démarche de journalistes citoyens avec une réelle liberté de ton, tout en essayant de se rapprocher des pros, souligne cet ancien footballeur, salarié de la SNCF et frère du médiatique Karim, grosse tête marseillaise entrée en politique. On a besoin d’info locale plus critique, plus croustillante. L’avantage d’Internet c’est que c’est gratuit. »
Le mot est lâché. La gratuité. Elle est aussi au cœur du projet initié à Nice en octobre dernier par trois titulaires de la carte de presse : letuyo.info, « l’info niçoise sans salades ». A l’aide de textes, de photos et de vidéos, le récit de l’actu locale y prend un sacré coup de frais. « Nous avions envie d’un espace pour être plus libres que dans nos médias respectifs, pour y faire l’info que nous ne pouvons pas défendre ailleurs pour des raisons de temps et de format. En presse quotidienne régionale, des papiers de 3 feuillets cela n’existe plus », souligne Jérôme Guidi, qui se définit comme un « militant de l’info ». Le Tuyo fait des débuts honorables avec 5 000 visiteurs uniques par semaine. « L’objectif n’est pas d’en vivre, poursuit Jérôme Guidi. Je ne pense pas que cela soit viable. L’info n’est pas rentable. L’avenir est sur Internet et à la gratuité mais ce n’est pas forcément compatible avec le journalisme. » Excès de pessimisme ou lucidité ? De fait, l’édition nationale de Rue89, un des plus beaux succès du net informatif, a franchi le million de visiteurs uniques par mois mais peine toujours à attirer suffisamment d’annonceurs. Et à payer tous ses journalistes. Mediapart, fondé par l’ancien directeur du Monde Edwy Plenel, tente de vendre avec difficulté ses articles en ligne. L’info a un coût. Qui n’a strictement rien de virtuel.
Michel Gairaud