Marie-Claude Pietragalla, directrice des Ballets de Marseille

avril 2004
Marie-Claude Pietragalla, virée, achève de ruiner le Ballet national de Marseille. Vendetta !

Ne tirez pas sur le corbillard

Con u tempu, và… (Léo Ferré sur un air de polyphonie funèbre corse). Bon, moi, c’est Pietra, comme la bière à la châtaigne qu’on brasse au pays. Pas Marie-Claude. C’est trop vulgaire, comme de s’appeler Dupond (excuse-moi Patrick, je ne disais pas ça pour toi). “ Quand j’ai commencé à l’Opéra de Paris, beaucoup de filles s’appelaient comme cela. Déjà, je ne trouvais pas ce prénom très joli, mais en plus il était trop commun. ” (1) Pietra, c’est la pierre : bien dure, comme le granit de l’isula bella. En toute modestie, j’ai fait ajouter mon nom que j’aime tant au logo du Ballet national de Marseille, ce ramassis de “ mongoliens ” et de “ fascistes ”, comme dit mon Julien adoré (2). rv7poids_pietra.jpg Ah, ils m’ont bien pourri la vie, ces minables, avec leur torchon de pétition (3) ! Et surtout, ils n’ont rien compris à la danse : “ les gens ne se rendent pas toujours compte qu’il y a une grande violence dans la danse ” (4), que “ c’est un métier où l’on est très souvent humilié ” (5). La danse, c’est comme une procession religieuse sadomaso au village, accidenti ! On a dit de moi que j’étais un monstre de travail, un monstre tout court aussi. Outre le supplice de la barre que je me suis infligé durant des années avant de devenir la danseuse étoile de l’Opéra de Paris, j’ai écrit des bouquins, tourné des pubs avec un savon et un mélo dégoulinant avec Florent Pagny (6) (à moins que cela soit le contraire, je ne sais plus). J’ai aussi ma propre ligne de godasses, baptisée “ Pietra ”, évidemment. Ma devise ? “ Quand on veut fortement, constamment, on réussit toujours ”.(7) C’est du Napoleone, le seul Corse avant moi qui ait eu du talent. Une troupe, ça doit se mener à la schlague, sinon c’est l’anarchie, comme dit mon copain Richard (8). Ça c’est un mec, pas comme ces administrateurs péteux qui ont tous démissionné (9), et qui ont essayé de rogner les ailes de mon génie pour des questions mesquines. Si on veut faire du grandiose, il faut des moyens (10). Pour moi, d’abord : 9 000 euros par mois (11). Pour mes créations, ensuite. Comme Sakountala, cet hommage grandiose et sublime à un autre génie féminin persécuté, Camille Claudel. Bon, c’est sûr, j’y suis pas allée de main morte avec les flonflons et les symboles légers comme des hippopotames en tutu. N’empêche, pour faire venir le populo à la danse, ça marche. Et qu’on ne me casse pas les noisettes, parce qu’au moins, j’ai laissé du pognon pour d’autres créations, pas comme Roland Petit. Comme je le disais : “Lorsque je suis arrivée à Marseille, au mois de septembre 1998, le Ballet n’avait plus de répertoire ; mon prédécesseur ayant emporté avec lui toutes ses créations, seules à être représentées jusqu’alors. ” Ben voilà, moi je fais pareil, je plante tout le monde. Spectacle annulé à la Criée. (Ch?ur de pleureuses corses) : Vendetta ! Pas question que le ballet joue mon répertoire. Vendetta ! Sans compter les tournées déjà vendues qu’il faudra rembourser. Vendetta ! Bref, je veux bien aller à Sainte-Hélène, mais va falloir raquer (12). Vendetta !

Paul Tergaiste

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