Le mercato des candidats
« Assez curieusement, il y a eu un miracle à l’UMP. Nicolas Sarkozy recueille quasiment l’unanimité dans le parti, Chirac s’occupe de politique étrangère, Alain Juppé de Bordeaux, et Dominique de Villepin marque des points. Et aucun des trois n’a de velléités pour la présidentielle. » A deux mois de la désignation du candidat de la droite républicaine, Jean-Pierre Giran, député et secrétaire départemental varois, affiche clairement sa satisfaction.
Est-ce à dire que les chiraquiens ont déserté la région ? « Même pas !, répond en toute sérénité Bruno Gilles, député de Marseille. J’en fais partie, mais bien que je garde de l’affection et de l’admiration pour le président, seul Nicolas Sarkozy peut nous faire gagner », explique-t-il. Additionnée au positionnement des Alpes-Maritimes et du Vaucluse, tenus par les très sarkozystes Christian Estrosi et Thierry Mariani, la question de la candidature UMP semble presque close en Paca. Dans le reste de la droite régionale, peu de débats également : à l’UDF aucun baron local ne conteste localement le leadership de François Bayrou, ni au MPF celui de Philippe de Villiers. A l’extrême droite, Jean-Marie Le Pen est, « bien entendu », l’incontesté chef de file du Front national.
Dans ces conditions, les droites régionales semblent avoir une bonne longueur d’avance dans la campagne présidentielle sur la gauche. A gauche, seuls Lutte ouvrière et les Verts ont en effet déjà annoncé le nom de leur candidat. A moins d’un déficit de parrainages, Arlette Laguiller devrait tenir sa place à la course aux suffrages pour la cinquième fois en avril 2007. Dominique Voynet a finalement été choisie pour porter l’étendard des Verts.
Alors qu’il doit décider fin octobre de partir ou non en solo avec pour tête de liste Marie-George Buffet, le parti communiste se refuse toujours à indiquer clairement s’il envisage de gouverner avec les socialistes. « Si on veut que demain un gouvernement mène une autre politique que celle défendue par la droite depuis quatre ans et arrive au pouvoir, le PS jouera inévitablement un rôle et sera le pivot du rassemblement », estime ainsi Jean Hénion, secrétaire départemental de la fédération du Var. Pour Jean-Marc Coppola, secrétaire de celle des Bouches-du-Rhône, la question de la candidature n’est d’ailleurs pas d’actualité. « Marie-George Buffet peut se décider plus tard. Pour l’instant, l’important est de rassembler sur un programme », tranche ce fervent partisan de la secrétaire nationale du PC. « En interne, certains n’acceptent pas une candidature de rassemblement, d’autres l’admettent si Marie-George Buffet est à sa tête, d’autres comme moi pensent que le contenu politique est primordial et qu’il n’est plus temps de raisonner en hommes d’appareil », affirme de son côté Robert Bret, sénateur communiste.
De leur côté, à la LCR, même si on fait mine d’espérer encore, une candidature commune avec le PCF semble désormais invraisemblable. Et les militants courent après les signatures pour présenter Olivier Besancenot. « Les communistes ne sont toujours pas clairs sur une éventuelle alliance avec les socialistes, constate Samuel Joshua, un des cinq porte-parole nationaux de la LCR. Ils tentent d’imposer Marie-George Buffet comme candidate. A Bordeaux, ils viennent de préférer une union de la gauche plutôt qu’une alliance antilibérale. Le compte n’y est pas. » Ces tiraillements pourraient en définitive faire le jeu du PS, toujours prêt à brandir la menace du 21 avril 2002. La fédération des Bouches-du-Rhône penche très nettement pour la présidente de la région Poitou-Charentes, comme le confirme la présence dans son état major de Patrick Menucci, président des élus socialistes marseillais, de Jean-Louis Bianco, député et président du Conseil général des Alpes de Haute Provence, et d’Eugène Caselli, secrétaire général de la fédération du 13. « La fédération des Bouches-du-Rhône n’a plus l’influence qu’elle avait dans la région et les nouveaux adhérents ne me semblent pas particulièrement portés sur Ségolène Royal », nuance toutefois Michel Pezet, ancien dauphin de Gaston Deferre et fervent partisan de Lionel Jospin. Marie-Arlette Carlotti, député européenne marseillaise, demeure elle aussi une fan inconditionnelle de l’ancien premier ministre. Le député PS Christophe Masse reste, dans les Bouches-du-Rhône, fidèle à Dominique Strauss Khan. Le président de la région Paca, Michel Vauzelle, dans le sillage d’Arnaud Montebourg et de Vincent Peillon, a rallié lui aussi Ségolène Royal, pourtant si peu alter-mondialiste. Enfin, Jean-Noël Guérini, qui ne cachait pas jadis sa préférence pour un retour de Lionel Jospin laisse maintenant entendre qu’elle arrive « beaucoup trop tard ». Si les sondages confirment son échappée, les barons socialistes locaux devraient sagement se ranger sous la bannière de la présidente de la région Poitou-Charentes.
Et les Verts ? Jean-Luc Bennahmias, député européen du « Grand Sud Est » n’est pas peu fier du coup médiatique estival auquel il a grandement contribué : une tête d’affiche commune réunissant à Coutances Dominique Voynet, Nicolas Hulot et Corinne Lepage, l’ancienne ministre d’Alain Juppé. « Il ne s’agit pas de revenir en arrière en proclamant ″ni droite, ni gauche″, mais de tenter de créer une dynamique de rassemblement sans laquelle les idées écologistes auront le plus grand mal à êtres entendues », explique-t-il. De quoi agacer une fois de plus la minorité des Verts déterminée à faire vivre une alternative « antilibérale » à la gauche du PS. De quoi aussi, pour d’autres, créer une perspective alors que Dominique Voynet ne décolle pas dans les sondages. « Il faut se méfier de ce que racontent les sondeurs », prévient Jean-Raymond Vinciguerra. Et le conseiller général écologiste des Alpes-Maritimes de nous donner la morale de la fin : « Les présidentielles sont dans 9 mois. A quoi ressemble un bébé, 9 mois avant de naître ? A pas grand chose ! les jeux sont complètement ouverts. »
Jean-François Poupelin