Le mauvais « plan » du président

septembre 2007
Une loi déréglementant le travail le dimanche généraliserait l'expérience de Plan de Campagne (13). Mais en allant contre l'intérêt des salariés et des patrons de la zone commerciale !

Volontariat des salariés, doublement des dérogations municipales (de cinq à dix), liberté pour les magasins de moins de 300 m2 et pour une ou plusieurs zones commerciales des grandes agglomérations d’ouvrir quand ils le veulent. Les premières pistes de la nouvelle loi sur le travail du dimanche évoquées lors de l’université du Medef ont plu aux patrons. « C’est une bonne réflexion, admet Thierry Chavanes, président de Terres de Commerce, une fédération d’associations de commerçants du département, et directeur d’une enseigne d’ameublement à Plan de Campagne. Mais c’est une réflexion inintéressante du point de vue de la zone. » 08rv44trax_dim.jpg Comme 155 autres patrons de la zone commerciale installée depuis 40 ans entre Marseille et Aix-en-Provence, le franchisé vient pourtant de bénéficier d’une nouvelle dérogation préfectorale au repos dominical (1). Un régime de faveur justifié par une « tradition » locale, selon Michel Sappin, préfet de Région, compensé pour les salariés par une rémunération complémentaire (doublement des heures travaillées à hauteur du SMIC) et une demi-journée supplémentaire de repos.

Pourquoi cet air bougon d’un patron qui jure appliquer l’accord à la lettre ? « Cette zone est une poubelle et une nouvelle loi ne réglera pas les problèmes de sécurité et d’accessibilité qui nous défavorisent par rapport à la Valentine ou à Aubagne », explique le franchisé. Toujours aussi actif, Nicolas Sarkozy a promis que le nouveau texte serait en application le printemps prochain. Trop peu de temps, donc, pour que Plan de Campagne se mette au niveau de ses concurrents. Les travaux de sécurisation et d’accessibilité sont acquis par un accord entre les propriétaires privés, les collectivités locales et l’Etat, mais aucun calendrier n’a été fixé.

« Dans les prévisions les plus optimistes, il y en a pour trois ans, affirme Thierry Chavanes. Si d’autres zones sont autorisées à ouvrir le dimanche, nous sommes voués à disparaître. » Opposées aux nouvelles dérogations, comme aux anciennes, et décidées à les attaquer pour « revenir au droit commun de 1906 », la CFDT et la CGT sont pour une fois sur la même longueur d’onde que le patron : « Plan de Campagne nécessite un traitement spécifique et non pas un traitement national » (2). Le rapprochement ne va cependant pas plus loin. Pour les organisations, les propositions sont inacceptables. « Depuis le début, nous disons que la situation de la zone est un prétexte à un changement profond de la loi, notamment en matière de rémunération. En généralisant le travail le dimanche, il n’y a aucune raison que les primes soient maintenues », prévient à son tour Muriel Martin, responsable de l’Union locale de Gardanne, section du secteur de Plan de Campagne.

Christine Lagarde, ministre de l’Economie, chargée par Nicolas Sarkozy de rédiger le projet de loi pour décembre, a jusqu’à présent consciencieusement éludé le sujet, se contentant de reprendre le leitmotiv présidentiel : « travailler plus pour gagner plus ». En cas d’heures supplémentaires, la nouvelle législation en la matière devra être appliquée. Et même s’il y a prime, l’exemple de Plan de Campagne n’est pas vraiment une référence (3). « Quand on voit la bataille pour que les primes soient payées alors qu’il y avait un accord, nous préférons nous battre pour l’augmentation des salaires. En travaillant 3 ou 4 dimanches par mois, la rémunération ne dépasse pas 1200 euros (net) », rappelle la syndicaliste. Mais la rémunération n’est pas le seul problème posé par l’extension du travail dominical promis par Nicolas Sarkozy. La qualité des emplois créés (des temps partiel comme souvent dans le commerce ?), le réel choix des salariés, la pertinence économique de la mesure ou ses conséquences sur le commerce de proximité sont autant de questions éludées par la décision présidentielle. Sophie Panaias, avocate de la CGT, spécialisée dans le droit du travail, va même plus loin : « La généralisation du travail le dimanche est une réflexion qui va au-delà de cette question. Elle affirme une volonté de supprimer l’ensemble des acquis du droit du travail. » Une révolution que résume Jean Viard, sociologue directeur de recherche au CNRS : « Nicolas Sarkozy tient le même discours que les réactionnaires qui s’opposaient en 1906 au repos dominical. »

Jean-François Poupelin

1. Les précédentes, attaquées par la CGT et la CFDT, ont été annulées mi-juillet par le Tribunal de Grande Instance d’Aix-en-Provence au motif que « la violation du repos dominical est en elle-même constitutive d’un trouble illicite ».

2. La Marseillaise du 25 juillet.

3. le Ravi n°40. La remarque vaut également pour le volontariat des salariés.

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