Le « djeun » de droite est très tendance
« A 20 ans, si on n’est pas de gauche, c’est qu’on n’a pas de c?ur », chantait il y a quelques années Denis Kessler, ancien vice-président du Medef (1). Même s’il avoue qu’« à 18 ans, quand on reçoit sa carte, c’est un peu difficile à assumer », à 22, Jean-Michel Murraciole est depuis quatre ans à l’UMP et ne connaît pas ce tube des années 90. Entré en politique « par amour de la nation et de la République, attiré par les valeurs gaullistes et par la liberté d’entreprendre », cet étudiant en master de gestion des entreprises de service estime également que « les flux financiers peuvent financer un système social sous tutelle de l’Etat ». Il préside depuis septembre 2004 la fédération des Jeunes Populaires des Bouches-du-Rhône, le mouvement des jeunes de l’UMP.
Petite fille d’un ancien trésorier du PC, à 19 ans, Sandra Blanchard a, elle, rejoint l’ancien parti chiraquien il y a moins de deux ans. Rejetant aussi l’ultralibéralisme, elle explique : « 100 ans plus tôt j’aurais voté Jaurès, et il y a 40 ans j’aurais probablement fait 68. Mais aujourd’hui la gauche n’a plus d’idéal, elle n’existe plus vraiment. L’UMP est devenu le parti des travailleurs. » Enervée par le phénomène Sarkozy, dont elle n’est pas très fan, la « jeune populaire » reconnaît tout de même son action sur l’insécurité et apprécie qu’il ait décomplexé la droite et fait évoluer la gauche. « Même Ségolène Royale reconnaît que l’emploi précaire c’est quand même de l’emploi », s’amuse-t-elle.
De fait, en majorité, les thèses du ministre d’Etat sur le mérite, l’immigration ou encore ses appels du pied aux électeurs du Front national plaisent à la grande majorité des « Jeunes Pop », comme ils se désignent eux-mêmes. Et Nicolas Sarkozy peut se réjouir que l’UMP soit devenu auprès des jeunes « une marque qui marche » (sic)(2).
« C’est un phare », s’enthousiasme Jean-Michel Murraciole, en évoquant son président. Comme des moustiques attirés par la lumière, les 18-30 ans – « étudiants en droit et en économie, employés municipaux (resic), jeunes actifs et jeunes entrepreneurs », précise-t-il -, son c?ur de cible, rejoignent donc par nuées le parti du squatteur de l’Intérieur. Fier comme un commercial qui a dépassé ses objectifs, le président du mouvement dans les Bouches-du-Rhône, annonce ainsi : « Depuis trois ans, nos effectifs ont été multipliés par trois. » Avec 925 adhérents revendiqués (3) dont, selon lui, un quart de jeunes issus de l’immigration et une centaine de « vrais » militants, il assure que sa fédération est « la première hors Ile-de-France ».
Du côté des Jeunes UDF, on a le triomphe un peu plus modeste. Lorsqu’on lui a appris qu’il y avait quinze nouvelles adhésions dans les Alpes Maritimes, Stéphane Amzel, président du mouvement dans le département et membre du bureau national, aurait presque sabré le champagne ! Avec un François Bayrou stigmatisé par Les Guignols de l’info et un positionnement difficilement identifiable sur l’échiquier politique, ils reconnaissent que l’image de leur parti est difficile à vendre. « Nous ne pratiquons pas de marketing politique ni n’essayons de travailler notre image », souligne Stéphane Amzel.
Premier souci : se démarquer du parti de Nicolas Sarkozy. Une distinction d’abord d’ordre sociologique. Alors que les Jeunes Populaires reconnaissent appartenir majoritairement à une population « privilégiée », les Jeunes UDF revendiquent leur mixité sociale. « Nous regroupons des jeunes de 16 à 35 ans, étudiants, actifs, chômeurs et même des handicapés », explique Stéphane Amzel.
C’est cependant d’abord au niveau idéologique qu’ils veulent marquer leur territoire. « La droite a radicalisé son discours, et je crains qu’à l’approche des prochaines échéances électorales les peurs des Français soient, comme en 2002, politiquement exploitées », analyse Laurent Leonardelli, président des jeunes UDF dans les Bouches-du-Rhône et membre du bureau national. A 33 ans, ce responsable du service citoyenneté à la mairie de La Ciotat, compte déjà 15 ans de militantisme. Pour lui, l’UDF se distingue de l’UMP en raison de ses convictions européennes et « d’un certain humanisme ».
Faire exister l’UDF entre une gauche « qui ne joue pas son rôle d’opposition depuis des années » et une droite « décomplexée » : tel seraient les enjeux. « Etre au centre est radical ! », résume Eric Marty, ingénieur du son de 34 ans. Mais avec seulement 500 militants dans la région, dont les trois quarts dans les Bouches-du-Rhône, cet ancien président du mouvement dans ce département avoue facilement que la situation n’est pas très favorable. Les jeunes UDF reconnaissent disposer de peu de relais dans les universités (4). Et devoir composer avec peu de moyens. « Nous fonctionnons avec l’investissement financier de chacun et il ne faut pas que ce soit une contrainte pour les gens, explique Stéphane Amzel. Chez nous, seuls ceux qui peuvent donnent. » (5)
Car à l’UDF, les jeunes revendiquent leur autonomie totale – « c’est unique », précise Laurent Léonardelli – vis-à-vis de leurs aînés (tracts, site Internet, transports sont à leur charge). « Nous sommes le poil à gratter du parti, se félicite Eric Marty. Ce qui inquiète parfois un peu François Bayrou. » A l’UMP, Nicolas Sarkozy ne tolère pas ce genre de fantaisies. En septembre dernier, il a imposé son candidat, Fabien de Sans Nicolas, à la tête des « Jeunes Pop ».
Jean-François Poupelin