La Camargue s’enlise à Salin
« On ne veut plus être la pute d’Arles ! » Dire qu’Eric Jouveaux est énervé à la simple idée que le préfet ne signe pas l’acte de constitution de la commune de Salin-de-Giraud (2 200 habitants) est un doux euphémisme. Fin octobre, Michèle Alliot-Marie, ministre de l’Intérieur, a réitéré la promesse faite le 15 février dernier par Brice Hortefeux, alors ministre délégué aux Collectivités territoriales, de faire des Salins une nouvelle commune. Le président de « Salin tradition ouverture projet »(Stop) attend fermement que cet engagement soit tenu le 10 décembre (1).
Mais en Camargue rien n’est simple. Malgré cinq précédentes tentatives, deux référendums et une enquête publique en faveur de l’indépendance – « l’autonomie », préfère dire Eric Jouveaux -, Arles refuse de céder un territoire camarguais de 20 000 hectares (sur ses 75 000). « La 3e ville des Bouches-du-Rhône doit avoir le plus de pouvoir possible, notamment parce qu’elle dispose d’une richesse nationale, le parc de Camargue, qu’il faut préserver », explique Hervé Schiavetti, le maire PCF. Il dit craindre également pour la santé financière de l’éventuelle municipalité, notamment à cause du retrait progressif des Salins du Midi (le Ravi n°46). Arguments balayés par Eric Jouveaux : « On n’est pas des abrutis et des incompétents. Ce qui intéresse Arles, ce sont nos impôts locaux et taxe professionnelle ». Catherine Levraud, adjointe à l’écologie d’Hervé Schiavetti mais candidate à sa succession soutient le principe d’une cessession : « A Salin, le paternalisme politique a remplacé le paternalisme économique des Salins du Midi. »
Le village a toujours été vital pour la gauche arlésienne et est devenu un territoire de chasse, aux voix, pour Roland Chassain, député UMP de la circonscription jusqu’en juin. Sans surprise, le président de Stop promet « une réaction violente » et « un vote sanction des Saliniers » en cas de nouvel ajournement de l’indépendance. Une menace qui laisse Hervé Schiavetti de marbre : « Aux législatives, Michel Vauzelle, opposé à l’indépendance, a battu Roland Chassain qui, lui, a milité pour.»
Pour une fois, le Parc naturel régional de Camargue pourrait jouer les arbitres et donner, malgré lui, raison au maire d’Arles. En cas d’indépendance de Salin, le nouveau statut juridique du parc (le Ravi n°45), négocié cet été par Jean-Louis Borloo, serait chamboulé : il faudrait intégrer la commune dans le texte. Selon, Didier Olivry, directeur du PNR, le ministre de l’écologie, ne semble pas disposé à refondre sa loi et à une nouvelle navette parlementaire. Adoptée par le Sénat, celle-ci devait être discutée à l’Assemblée nationale les 4 et 5 décembre. Mais prudence, elle avait déjà été inscrite à l’ordre du jour du 27 novembre…
Jean-François Poupelin
(1) Date avancée par La Provence du 31 octobre. Avant le 10 décembre, une élection anticipée serait obligatoire. Mais la sous-préfecture d’Arles refuse de communiquer.
NOVEMBRE 2007. le Ravi n°46 : enquête « Salins : une facture salée ». Page 10.