L’immobilier fait des bulles

décembre 2005
Les prix de l'immobilier flambent à Marseille encore plus qu'ailleurs. Un bon prétexte pour construire n'importe quoi, n'importe comment ?

Les prix de l’immobilier ont plus que doublé en moins de 10 ans dans notre belle région. De nombreux quartiers de Marseille ont même vu les prix multipliés quasiment par trois. Conséquence directe, la mobilité chute. Les locataires ne peuvent plus quitter leur appartement pour cause de loyers prohibitifs, les entreprises peinent davantage à trouver des locaux pour leurs activités, et la construction de gymnases, d’écoles, et autres bâtiments publics devient problématique. Ne parlons pas de la construction de logements sociaux. Le seuil des 20 % de logements sociaux imposé par la loi aux principales communes de la région n’est pas près d’être atteint au rythme de construction actuel. La flambée de violence dans les banlieues aura au moins permis d’éviter que cette obligation ne passe à la trappe, puisque nos bons sénateurs se préparaient discrètement à vider la loi, solidarité et renouvellement urbain, de sa substance.

Conséquence directe du manque de logements, les jeunes restent chez leur parents, les jeunes parents s’entassent, et gare au divorce car là il faudra revoir brutalement à la baisse la taille des logements. Pour ceux qui n’ont pas d’enfants, une situation affective stable et qui ont acheté leur appartement ou leur maison au début des années 90 ça ira. Pour les autres…

Il y a peut-être quelques gagnants à cette situation absurde, mais certainement aussi beaucoup de perdants. Bien sûr, de nombreux « experts » fournissent des explications à cette hausse brutale qui semble ne pas vouloir cesser. Certes, les taux d’intérêt sont plus bas que jamais. Les anticipations sur le futur ne sont pas très roses, d’où le bon vieux réflexe d’investir dans la pierre. Plus personne n’ose encore s’abriter derrière l’effet TGV, tellement on voit mal comment l’arrivée de quelques centaines de parisiens aurait pu avoir un effet aussi massif. Les journaux parisiens se remplissent d’ailleurs d’articles sur la désillusion des néo-marseillais qui reviennent à la capitale la mort dans l’âme.

Mais enfin… qui peut vraiment expliquer cette hausse ? On a beau chercher du côté de l’offre et de la demande, on ne voit pas bien pourquoi une ville comme Marseille où la population n’a pas augmenté depuis dix ans verrait les prix presque tripler durant la même période… Ce genre de phénomène de bulle en économie n’est pas nouveau, ni d’ailleurs limité au marché immobilier. Le taux de change du dollar en euro peut varier du simple au double sans que de grands bouleversements affectent l’un ou l’autre des continents. Le prix des actions en bourse fait le yoyo sans que des changements de même ampleur affectent les entreprises. Le secteur immobilier semble lui aussi avoir pris goût aux montagnes russes. Gare à la descente.

Un point qui aurait pu néanmoins susciter l’optimisme eut été la possibilité de rendre la construction neuve rentable dans les quartiers défavorisés. A 3000 ? le mètre carré, il devient intéressant de racheter les vieux bâtiments mal foutus qui ne manquent pas dans notre région. Ils peuvent être rasés pour reconstruire du neuf à la place. Du coup, il deviendrait possible dans des villes comme Toulon ou Marseille de (commencer à) rattraper les erreurs du passé.

Hélas, trois fois hélas, ce qui se construit actuellement ne laisse rien présager de bon. Quelques opérations pilotes semblent guidées par un soucis, même minimal, de s’intégrer à leur environnement. Pour le reste, rien n’est prévu. On ajoute 80 logements dans un quartier sans prévoir les équipements publics qui vont avec, et les parkings construits sont en général insuffisants pour accueillir les nouvelles voitures. Les promoteurs encaissent les plus values, les pouvoirs locaux paient les équipements collectifs.

Mais il y a pire encore, ce qui se construit est carrément ringard. A l’heure actuelle on dispose de technologies éprouvées, simples et économiques qui permettent de réduire les coûts pour les occupants, et les dommages causés à l’environnement par la même occasion. Il est par exemple possible de récupérer les eaux de pluie pour les utiliser comme eau de lavage. Même un promoteur cannois peut parvenir à une telle prouesse technique ! On peut aussi utiliser le soleil pour chauffer l’eau, c’est simple et pas cher. Les allemands installent systématiquement des panneaux solaires, alors que sur la côte on continue à installer des chauffages électriques à tour de bras… Pourtant le soleil ne manque pas…

Guillaume Hollard

Imprimer