L’extrême droite en rade
Le Front national s’est sabordé lui-même. Mais Toulon a toujours du mal à son extrême droite.
C’est le symbole d’un passé qui ne passe pas. Porte d’Italie s’élève l’imposant monument dédié aux « martyrs de l’Algérie française », hommage « à ceux qui voulaient conserver un empire à la France » comme l’indique une inscription gravée dans la pierre. Longtemps unique en France[[On trouve aussi désormais un monument du même type, depuis 2002, à Théoule (Alpes Maritimes) et, depuis 2003, à Perpignan (Pyrénées-Orientales). Daniel Simonpiéri, UMP ex MNR, ex FN a attribué à l’Adimad un terrain à Marignane pour en inaugurer un autre ce mois de juillet.]], il fut inauguré en juin 1980 par Maurice Arreckx, alors maire de la ville. Tous les 26 mars, jour anniversaire de la fusillade de la rue d’Isly où l’armée française tira sur une manifestation des partisans de l’OAS, l’Adimad dépose une gerbe. Cette « Amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Algérie française », rassemblant des nostalgiques de l’OAS opposés « aux jugements d’exceptions stalino gaullistes », n’est pas la seule à aimer les fleurs. Cette année encore, Hubert Falco a fait déposer une gerbe officielle Porte d’Italie. Les bonnes traditions demeurent.
Autre symbole : le carrefour baptisé « Général Raoul Salan, libérateur de Toulon » en 2001. Le dernier acte, très symbolique, d’une municipalité Front national en déroute. Sur la plaque qu’ils ont inaugurée, les élus d’extrême droite falsifient l’Histoire en présentant le général Salan comme le sauveur de Toulon. Il n’était que colonel lorsqu’il a libéré la ville à la tête de tirailleurs sénégalais. Devenu général, il a participé au putsch d’avril 1961 avant de prende la tête de l’OAS. La section toulonnaise de la Ligue des droits de l’Homme mène un combat pour rétablir la vérité et débaptiser le carrefour ou, tout au moins, le nommer Colonel Salan. [[Pour en savoir plus, consultez le www.ldh-toulon.net. Ce site, régulièrement actualisé, est une précieuse alternative pour ceux qui souhaitent, entre autre, en savoir plus sur la vie politique et associative de Toulon et son agglomération]] « Hubert Falco s’était engagé à ce que le conseil municipal en débatte s’il était élu, explique François Nadiras, vice-président de la LDH toulonnaise. Malgré tous mes courriers, il ne répond plus. Le maire pense sans doute qu’il a plus à perdre à nous écouter qu’à rester sourd. Ce n’est pas un idéologue mais il veille à n’avoir personne sur sa droite. »
Toulon est-elle vaccinée contre la peste brune ? Deux ans après l’éviction de Jean-Marie Le Chevallier, l’élection triomphale comme bâtonnier (avec les suffrages de 219 avocats sur les 320 que compte la ville), de son ancien second adjoint au maire, Didier Gestat de Garambé, ex-FN, ex-MNR mais authentique homme d’extrême droite, n’a pas vraiment été un signe de repentir [[(voir note 2)]]. « Il ne faut jamais oublier que le Front national n’a pas été viré de Toulon : il s’est lui-même autodétruit, souligne Philippe Chesneau, conseiller régional Vert. La frontière entre extrême droite et droite extrême n’est jamais très claire dans cette ville. » Fort heureusement, la nullité absolue de l’équipe frontiste a fait des miracles. Les scores du FN restent élevés mais les divisions permanentes et l’absence d’un leader incontesté rendent pour l’heure improbable un retour des tristes sires (lire ci-dessous).
L’expérience frontiste a-t-elle eu quelques vertus ? Les avis diffèrent. « Paradoxalement, le tissu associatif s’est renforcé pendant les six années frontistes, juge Jean Ecochard, président des CIL fédérés de l’Est toulonnais (comités d’intérêts locaux). Les CIL ont été étouffés mais de nombreuses associations se sont bougées et conservent aujourd’hui leur dynamisme. » Un renouveau tout relatif. Le réseau Attac, par exemple, revendique plus de 300 adhérents dans le Var. « Beaucoup d’entre eux sont toulonnais, mais nous n’avons que deux véritables militants sur la ville », déplore François Cambillard, vice-président de l’association. Robert Alfonsi, conseiller municipal socialiste, estime quant à lui que le sursaut civique qu’a connu Toulon est bel et bien retombé. « Il n’y a jamais eu autant d’actions associatives et de vie politique que sous le Front, souligne-t-il. S’opposer aujourd’hui à Falco est bien moins facile. Certains qui faisaient affaire avec Arreckx et Trucy ont même réussi à gagner une nouvelle virginité en combattant l’extrême droite. » L’heure des grandes mobilisations semble révolue. Jusqu’à la prochaine alerte?
M.G.