« L’énergie nucléaire propre et maîtrisée est une légende »

septembre 2011
Boum ! Un mort et quatre blessés lors d'une explosion, le 12 septembre, dans le centre de traitement des déchets nucléaires de Marcoule (Gard) aux frontières (et exposés aux vents dominants) de la région Paca. Officiellement pas de radiations. Mais un nouveau démenti de infaillibilité de l'énergie nucléaire française. De quoi donner des arguments aux opposants de l'atome comme Michèle Rivasi que nous avons interrogé dans notre enquête "Nucléaire, non ! Ou merci ?"

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Pourquoi faire de la fermeture de la centrale du Tricastin l’une de vos priorités ?

Après la centrale de Fessenheim, en Alsace, c’est la plus vieille de France. Le Tricastin est une centrale « multirisques ». Elle cumule des dangers liés à sa vétusté, des menaces en raison des risques sismiques et de rupture de barrage. De plus, l’addition sur le même site des nombreuses installations d’Areva donne une configuration semblable à celle de Fukushima favorisant en cas de catastrophe un effet domino. Le Tricastin vieillit mal, collectionne les pépins. Elle n’est pas moins bien gérée que d’autres centrales mais présente des maillons faibles depuis sa conception. Elle n’a pas été conçue pour durer 40 ans. A sa création, les critères de sécurité étaient moins élevés. S’il faut évacuer la population dans un rayon de 20 kilomètres, cela va faire beaucoup de monde 

Dénucléariser Cadarache, est-ce bien réaliste ?

Il n’y a pas de réacteurs nucléaires à Cadarache mais le site contient de nombreuses installations qui contiennent de l’uranium et du plutonium. Elles ne sont pas aux normes antisismiques dictées par l’Autorité de sûreté nucléaire alors qu’elles ont été construites sur la faille la plus active de France. En cas de séisme, la menace de retombées radioactives tragiques en Provence est très sérieuse. Il faut donc dénucléariser ce centre de recherche. Un des freins, c’est la volonté de préserver l’emploi. Faisons de Cadarache un pôle de recherche sur les économies d’énergies. Appuyons nous sur le corps d’ingénieurs qui s’y trouvent, importants et compétents, pour réorienter leurs travaux sur les énergies renouvelables. La France peut ainsi devenir une référence mondiale en matière de démontage de réacteurs. Il va y avoir tellement de travail à faire dans notre pays pour venir à bout des centrales nucléaires obsolètes !

« Quels volontaires pour se sacrifier en cas d’accident ? »

Est-il cohérent, pour le Conseil régional de Paca, d’adopter le principe d’une sortie du nucléaire tout en investissant dans le programme ITER ?

Même si ce n’est pas à l’échelon régional que se décide une politique énergétique, cette initiative montre qu’il est possible d’être volontaire. Il y a encore tellement de tabous liés au nucléaire ! Concernant ITER, ce projet n’arrive pas à trouver son financement. 45 % du budget est européen. Il faut lever 1,4 milliards d’ici 2013. L’Europe fait les fonds de tiroir en ponctionnant dans différents programmes de recherche, en puisant même sur les budgets de la Politique européenne agricole. Il y a également des doutes scientifiques, d’importantes questions techniques non résolues. Au mieux, si elle marche, cette technique produira de l’électricité vers 2100. ITER ne répond pas à l’urgence. Avant cette date, il faut réduire l’effet de serre. Les énergies renouvelables le permettent…

Afin de convaincre de sortir du nucléaire mieux vaut-il insister sur les risques ou sur les scénarios de transition énergétique ?

La fission nucléaire est une énergie mortifère. Tchernobyl et Fukushima le prouvent. Sans parler du cadeau que nous préparons aux générations futures avec les déchets. Mais je défends un discours positif. La France est l’un des pays qui a le plus de potentiel en énergies renouvelables. Elle s’est tellement enfermée dans une monoculture nucléaire qu’elle sous-estime toujours ses ressources alternatives. La sortie du nucléaire ne peut y être que progressive. On ne peut pas se passer des centrales du jour au lendemain. Même si l’idée « le nucléaire ou la bougie » reste ancrée chez nous, Fukushima permet aux gens de voir que même un pays technologiquement au « top » peut être dépassé par le nucléaire. Cela ébranle les certitudes. L’énergie nucléaire propre et maîtrisée est une légende. A Fukushima, les robots n’ont pas fonctionné et on n’a pas pu envoyer des hommes tellement les radiations étaient fortes. Je demande que les partisans du nucléaire en France dressent la liste des volontaires prêts à se sacrifier lors d’un accident !

Propos recueillis par Michel Gairaud

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